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L'histoire du musée

Le choix d’installer la dation Picasso dans l’Hôtel Salé se fait très rapidement : il remonte à 1974, un an après la mort de l’artiste. Et en effet, la succession de Pablo Picasso a été préparée, notamment par l’invention du mécanisme de la dation en paiement à la fin des années 1960. Ce processus, qui permet à l’État d’acquérir un ensemble exceptionnel d’œuvres de Picasso, enrichi par la suite par les donations des héritiers, implique de trouver un lieu pour les conserver et les exposer. En accord avec la famille de l’artiste, Michel Guy, secrétaire d’État à la Culture, décide d’installer la collection dans l’Hôtel Salé, au 5 rue de Thorigny dans le 3ème arrondissement de Paris. Le bâtiment appartient à la Ville de Paris depuis 1962 et a été classé Monument Historique en 1968 (arrêté du 29 octobre).

L’idée de restauration de l’Hôtel Salé

Dès 1974, les Monuments Historiques entament les travaux de restauration. En mars 1975, suite à une délibération, le Conseil de la Ville de Paris confirme la vocation de l’Hôtel Salé à accueillir le Musée national Picasso : il semble naturel d’y installer cet artiste dont l’œuvre s’est développé au sein de grandes demeures et autres bâtiments historiques tels que les châteaux de Boisgeloup et d’Antibes ou encore la villa La Californie.

Il est aussi question de créer un contraste architectural entre le tout jeune Centre Pompidou qui est en train de sortir de terre et ce lieu patrimonial et monographique, lieu voisin pour l’art du XXe siècle et également dépositaire d’œuvres de Pablo Picasso. L’art de Picasso doit ainsi rayonner dans les espaces multiples de présentation de l’art du XXe siècle, de l’architecture la plus contemporaine aux espaces les plus patrimoniaux. Un bail de 99 ans est conclu en 1981, l’État louant l’Hôtel Salé à la Ville pour un loyer symbolique, à charge pour le premier d’y réaliser les travaux et de pourvoir à son entretien.

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Jean Gourbeix - Vue extérieure du chantier de l'hôtel Salé à Paris, lors de sa restauration, et son aménagement pour accueillir le musée Picasso-Paris
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Jean Gourbeix, Vue extérieure du chantier de l'hôtel Salé à Paris, lors de sa restauration, et son aménagement pour accueillir le musée Picasso-Paris, 1981, Charenton-le-Pont, Médiathèque de l'Architecture et du Patrimoine
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 Jean Gourbeix - Echafaudage à l'intérieur de l'hôtel Salé en cours de restauration pour accueillir le musée Picasso
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Jean Gourbeix, « Echafaudage à l'intérieur de l'hôtel Salé en cours de restauration pour accueillir le musée Picasso », Charenton-le-Pont, Médiathèque de l'Architecture et du Patrimoine

Le travail de Roland Simounet

L’hôtel est restauré et réaménagé entre 1979 et 1985 par l’architecte Roland Simounet afin de devenir un lieu propre à la conservation et à la présentation des œuvres. A la suite d’un concours d’idée mettant en lice quatre architectes (Roland Simounet, Carlos Scarpa, Jean Monge, Groupe GAU de Roland Castro), Roland Simounet est désigné en 1976 pour mener à bien la réalisation du projet d’installation du Musée national Picasso dans l’Hôtel Salé. C’est un architecte reconnu et expérimenté. Né en Algérie en 1927, Roland Simounet y travaille jusqu’en 1964 après un passage par l’École d’architecture du Quai Malaquais à Paris. Il construit notamment des cités d’urgence tel son étude du bidonville d‘Alger pour les Congrès international de l’architecture Moderne de 1953, et la construction de la cité de Djenan el Hassan (1957). Il allie ainsi dans son expérience d’architecte l’héritage moderniste d’un Le Corbusier et une certaine tradition méditerranéenne tout en travaillant sur l’horizontalité.

Le LAM, musée de Villeneuve d’Ascq (1983) pour lequel il remporte le concours en 1973, représente bien ce travail de dissémination des blocs architecturaux en réseau organisé, un modèle que l’on retrouvera pour le Musée de la Préhistoire à Nemours (1981), au plan asymétrique et en décrochés, épousant le dénivelé du terrain.

L’Hôtel Salé représente un défi particulier. Il s’agit de s’inscrire dans un bâtiment déjà existant, et il doit ainsi respecter l’hôtel dans ses parties classées (vestibule, grand escalier d’honneur, salon de Jupiter). Ces contraintes sont comme les aspérités des terrains auxquelles Simounet s’est déjà confronté : il réalise le seul projet du concours dont l’idée directrice est d’inscrire le musée dans le volume même de l’hôtel, sans construction d’extension. La boîte moderniste ainsi conçue par Roland Simounet vient se superposer au monument dans une dialectique stylistique aussi subtile que complexe, dans toutes les dimensions.

Le grand Escalier, qui mène, « naturellement » vers le premier étage est un axe pivot du projet. Le parcours suit ensuite une sinusoïde, coupée de césures et de fentes. Une rampe propose un autre mode de circulation d’étage en étage. La peinture laquée contraste avec la peinture mate et rythme les murs. Ce travail se différencie de celui mené pour la rénovation de l’Abbatiale de Saint-Germain des Prés, pour laquelle l’architecture intérieure fait comme une coque dans le bâtiment. A l’Hôtel Salé, le bâtiment conserve ses volumes et sa visibilité externe et interne. Le projet offre, par la variété des ambiances s’attachant à chaque niveau de l’hôtel et un travail sur les transparences entre bâtiment original et espaces d’exposition, une véritable promenade architecturale où l’on découvre un grand hôtel du XVIIe siècle en même temps que l’œuvre de Picasso. Le mobilier, conçu pour le musée, est signé Diego Giacometti.

Toutefois, en raison de difficultés techniques, de coupes budgétaires, de modifications successives de programme, le projet connait un certain nombre de remaniements. Les rampes et mezzanines sont réduites. Certains espaces prévus sont abandonnés, comme les espaces d’expositions temporaires, prévus à l’origine dans le volume des Communs, ou la salle multimédia occupant initialement les sous-sols des Communs. On renonça aussi à la construction d’un immeuble d’ateliers d’artistes et de services sur le socle construit le long des jardins, côté rue Vieille du Temple qui devient un vaste local technique.

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Hôtel Salé - 2010
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L'Hôtel Salé en 2010
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Hôtel Salé - 2010
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L'Hôtel Salé en 2010
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Hôtel Salé - 2010
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L'Hôtel Salé - 2010
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Hôtel Salé - 2010
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L'Hôtel Salé en 2010
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Hôtel Salé - 2010
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L'Hôtel Salé en 2010

L’évolution du Musée national Picasso-Paris

Le Musée national Picasso fut inauguré en octobre 1985. Après 25 années de fonctionnement, le Musée Picasso a dû entreprendre tant la rénovation de ses installations matérielles et techniques que la redéfinition de son inscription dans le site de l’Hôtel Salé. Dans un premier temps, il a été décidé par le ministère de la Culture et de la Communication de conduire entre 2006 et 2009 un chantier de restauration des façades, des décors extérieurs et murs d’enceinte. Cette opération a permis de sauver les importants éléments sculptés des corniches et frontons de l’hôtel. Le programme de restauration, rénovation et extension lancé en 2009 est beaucoup plus important que le précédant tant par ses objectifs que par son coût. Il permet une mise aux normes du bâtiment aux nouvelles règlementations en vigueur garantissant la sécurité et la sûreté des collections et du public et ainsi de restructurer le musée en profondeur.

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Histoire du musée - Hotel Salé - 2013
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L'Hôtel Salé en 2013
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Histoire du musée - Hôtel Salé
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L'Hôtel Salé en 2013
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Histoire du musée - Hôtel Salé
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L'Hôtel Salé en 2013
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Histoire du musée - Hôtel Salé
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L'Hôtel Salé en 2013

Cette opération se conduit selon plusieurs axes. Les opérations de restauration intérieure sont importantes et redonnent son lustre à l’Hôtel Salé. Elles concernent tout d’abord le bâtiment XVIIe siècle : restauration des décors du hall et du grand Escalier, remodelage et repavage de la Cour d’honneur, rénovation des huisseries et fenêtres, restauration de la terrasse des Communs, révision des toitures, amélioration du climat du grand escalier. Les aménagements réalisés par Roland Simounet sont également restaurés. Les services administratifs sont délocalisés sur un site voisin, ce qui permet de dégager de nouveaux espaces de présentation de la collection. Au terme du chantier actuel, la surface d’exposition dédiée à la présentation des collections permanentes et aux activités annexes dédiées au public sera étendue à la totalité du bâtiment, soit 5700 m².

Cette restructuration permet de penser un nouveau parcours de visite, et, plus largement, une autre vie du visiteur au sein du musée. Les circulations générales sont revues. Ainsi, l’accueil se fait désormais à partir des Communs, ménageant un confort d’entrée dans le musée grâce aux différents services offerts et lieux dédiés en rez-de-chaussée et en sous-sol. Cette partie du bâtiment fait l’objet d’une intervention architecturale majeure conduite par l’Agence Bodin et Associés. Le projet prévoit la restitution des volumes du bâtiment XVIIe siècle, notamment la géométrie et la configuration visuelle de la basse-cour. Le pavillon des anciennes écuries comme la terrasse dominant la Cour d’honneur seront désormais intégrés au parcours de visite. Ces espaces rénovés et agrandis par creusement sous la basse-cour seront exclusivement dédiés à l’accueil du public qui y trouvera un service d’accueil et médiation, la billetterie, un salon, une zone documentaire, une cafétéria hiver et été, une librairie-boutique, des vestiaires et sanitaires.

La réhabilitation de l’aile technique située le long des jardins permet de créer un auditorium modulable servant de salle multimédia, et où se tiendront les activités de médiation. Cette rénovation permet aussi d’y installer les zones nécessaires à la gestion des collections (réserve de transit, atelier muséographique, locaux logistiques) et aux personnels du musée (salle de repos et cuisine, commodités et vestiaires). Le jardin est rénové et recréé, ainsi que la terrasse végétalisée. Dans le bâtiment principal, le parcours de visite est modifié. On retrouve les enfilades horizontales de pièces XVIIe siècle en façade, sur le jardin et la cour d’honneur. L’exposition se fait sur cinq niveaux (sous-sol, rez-de-chaussée et trois étages). Les circulations verticales sont assurées par les différents escaliers restaurés (grand Escalier central, escaliers construits par Roland Simounet), la rampe de Roland Simounet et la rénovation de deux ascenseurs dans les pavillons nord et sud. Cette circulation permet de relier les nouveaux espaces libérés par la délocalisation des services administratifs ou des installations techniques aux grandes salles patrimoniales de présentation des collections dans des espaces rénovés.

Le bâtiment de l’Hôtel Salé étant partiellement classé au titre des Monuments Historiques, les travaux à effectuer sur les parties classées (façades, menuiseries extérieures, cour et escalier d’honneur, salle des boiseries), sont confiés à la maîtrise d’œuvre de M. Stéphane Thouin, Architecte en chef des Monuments Historiques. Les travaux de réaménagements intérieurs de l’hôtel et des Communs, de l’aile technique et du jardin s’effectuent sous la maîtrise d’œuvre de Jean-François Bodin & Associés, société d’architectes, désigné au terme d’une consultation sur références, compétences et moyens conduite par le ministère de la Culture et de la Communication entre décembre 2008 et avril 2009.