Chefs d'oeuvre

Bien qu'exécutée à Barcelone, cette peinture de cabaret espagnol trahit pleinement l'influence de l'avant-garde parisienne à laquelle Picasso a pu être confronté lors de son premier séjour dans la capitale en 1900.

Dans cette scène, tout rappelle en effet les visions de la vie nocturne que les peintres Henri de Toulouse-Lautrec ou Théophile-Alexandre Steinlen ont exprimées dans de nombreuses compositions. La scène pourrait même paraître parisienne si le spectateur ne percevait le détail des fleurs rouges piquées dans les chignons des femmes et les costumes des danseuses de flamenco à l'arrière-plan. Picasso ne cède pourtant pas à la tentation du pittoresque: en rejetant le spectacle folklorique au second plan, c'est davantage sur le public qu'il porte son attention, plongeant le spectateur au cour de l'assistance. La coupe arbitraire des personnages en périphérie du tableau révèle un sens du cadrage qui trahit l'influence des nouvelles conceptions de l'espace pictural introduites par Degas. Construit sur des contrastes vibrants de touches de couleurs, le tableau est également rythmé par des ponctuations de rouge vif et de blanc éclatant qui affirment l'héritage de Vincent van Gogh. Caractéristique du « préfauvisme » de l'artiste, le « Café-concert du Paralelo » témoigne à merveille de l'habit de « peintre de la vie moderne » que revêt un Picasso âgé de vingt ans à peine.