Chefs d'oeuvre

Au printemps 1946, Françoise Gilot partage depuis un an la vie de Picasso aux Grands-Augustins. La jeune femme a pris une place considérable dans sa vie comme dans son œuvre, notamment à travers le dessin, que la lithographie vient relayer et amplifier. La rencontre du maître imprimeur Fernand Mourlot à l'automne 1945 offre à Picasso l'occasion de renouer avec une technique délaissée vingt-cinq ans auparavant; les tirages lithographiques se comptent dès lors par centaines. Très vite apparaît le visage de Françoise: un ovale ravissant, des yeux rayonnants, une chevelure dont l'opulence est suggérée par le vide que retiennent quelques traits matissiens, Matisse que la jeune peintre, en admiration, a visité avec son amant quelques semaines plus tôt. Françoise a quitté le fauteuil où Picasso a pris l'habitude d'installer tous ses modèles; sous le crayon, la jeune femme se livre au désir impérieux de l'artiste d'animer les formes de sa création, par la multiplication de ses portraits sur papier vélin: jusqu'à dix en une même journée (le 14 juin 1946). Destinés à la pierre lithographique, tous reflètent, dans leur grande variété, la beauté et la personnalité de la jeune femme.