Chefs d'oeuvre

Dans cette peinture, trois figures féminines se serrent dans un format carré, rare chez Picasso ; les yeux sont vides, les visages figés. Leur inexpressivité est inquiétante. Reprenant les formes plastiques des masques africains, Picasso cherche à se démarquer de l'érotisme des « Demoiselles d'Avignon » (1907, MoMA, New York), achevée l'année précédente.

Il élabore un vocabulaire purement plastique et conceptuel, où les ombres et les reliefs sont marqués par des aplats de couleurs contrastées, s'inspirant de la manière dont la lumière vient souligner les masses sculptées des différentes parties du corps dans la statuaire africaine. À l'arrière- plan, un point de fuite laisse voir la silhouette d'un tronc et d'un branchage, ainsi que la superposition de hachures d'un vert profond, qui symbolisent la forêt. Les choix chromatiques soufflent le chaud et le froid : des ocres jaunes, orangés et rouges, évoquant l'écorce, contrastent avec les verts d'eau et les bleus outremer. L'unité de l'espace pictural, amalgamant les personnages au décor, s'inscrit dans le rapport magique que l'art africain entretient avec les objets et tente de libérer le spirituel en l'homme.