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Pablo Picasso, L'acrobate, 1930, Huile sur toile, 162 x 130 cm, Musée national Picasso-Paris
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Pablo Picasso, L'acrobate, 1930, Huile sur toile, 162 x 130 cm, Musée national Picasso-Paris

Chefs d'oeuvre

de la collection

L'acrobate

1930
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Pablo Picasso, « L'acrobate », 1930, Huile sur toile, 162 x 130 cm, MP120, Musée national Picasso-Paris
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Pablo Picasso, « L'acrobate », 1930, Huile sur toile, 162 x 130 cm, MP120, Musée national Picasso-Paris
Légende
Pablo Picasso, « L'acrobate », 1930, Huile sur toile, 162 x 130 cm, MP120, Musée national Picasso-Paris

Presqu’une génération a passé depuis les funambules et les acrobates de la période rose. Picasso accompagne à la toute fin des années 1920 son fils Paulo au Cirque Médrano - où, d’après sa première compagne Fernande Olivier, l’artiste espagnol s’était tant diverti au début du siècle. Le plaisir renouvelé de Picasso génère une petite série de tableaux articulée entre l’automne 1929 et l’hiver 1930 autour de la figure de l’acrobate, totalement étrangère au précédent traitement du thème. Un corps aux membres bizarres et à l’anatomie dérangée, occupe un espace neutre taillé à ses mesures. Cette description n’est alors pas exclusivement réservée aux contorsionnistes ; stimulé par son séjour estival sur les plages de Dinard en 1929, Picasso produisit une « Nageuse » de configuration semblable.

Acrobates et nageurs partagent la même nature mobile et la même énergie interne et diffuse qui inspirent à Picasso une mise en équation formelle du mouvement. « L’Acrobate » n’est ni une chimère ni un monstre, mais sobrement la traduction plastique de l’impact du mouvement sur le corps de l’athlète. Fasciné par la malléabilité de la forme humaine et son pouvoir de métamorphose, Picasso y capte une « surréalité », c’est à dire, selon ses mots rapportés par Brassaï, « cette profonde ressemblance au-delà des formes et des couleurs sous lesquelles les choses se présentent.» L’élégante étrangeté combinée à la parfaite aisance qui se dégagent du personnage ont pu être interprétés comme une transposition dynamique et mature de la « beauté convulsive » révélée par André Breton dans Nadja en 1928. Breton qui, dès 1925, avait formellement enjoint le mouvement surréaliste à mettre ses pas dans ceux de Picasso, vit dans l’œuvre picassien des années 1928-1930 une sorte d’affiliation, sans que l’artiste espagnol n’acquiesce.

A l’inverse des nageuses en apparente apesanteur, la masse de l’acrobate repose au sol sur un pied et une main. La parfaite maîtrise de son corps semble équivalente à celle de l’espace que le tableau lui concède. Le cadrage étroit contraint moins l’acrobate qu’il ne valorise sa prestation.

Ainsi représenté, ce personnage prodigieux s’apparente aux figures plates et magiques des jeux de cartes anciens. La conception-même du tableau l’inscrit dans un registre symbolique et emblématique. Au sein des distorsions multiples, parfois douloureuses que Picasso fit subir au corps humain entre 1925 et 1932, les translations morphologiques des Acrobates relèvent de l’émerveillement de la puissance de la forme.