Tout ce qui peut être imaginé est réel.
En 1916, Picasso fait la rencontre Serge de Diaghilev, par l’intermédiaire de Jean Cocteau. Une grande collaboration artistique naît de cette entrevue entre les deux hommes. Picasso participe à la création des décors et des costumes pour les spectacles de Diaghilev et découvre le monde de la scène. C‘est aussi à ce moment-là qu’il croise le chemin d’Olga Kokhlova, une danseuse russe, qu’il épouse et avec qui il aura son premier enfant : Paulo. Quel est le rôle de Picasso sur les ballets russes ? Qui est Olga Kokhlova ?
Parade
Les Ballets russes sont une compagnie d’opéra et de danse, créée par Serge de Diaghilev en 1907, installée entre Paris, Monte-Carlo et Londres. En 1916, Jean Cocteau, un cinéaste et dramaturge français, proche de Picasso, qui travaille avec Diaghilev, introduit le directeur de compagnie auprès du peintre. Le but est de les faire collaborer sur son nouveau projet : monter le spectacle « Parade », avec une musique composée par le pianiste Erik Satie.
Initiée par Cocteau, « Parade » est conçue autour du livret du ballet Le Dieu bleu, de Michel Fokine, danseur et chorégraphe russe. Suite à l’échec de l’ouvrage en 1912, Cocteau décide de remettre l’histoire en scène, aux côtés de Diaghilev. Le travail est donc bien entamé au moment où Picasso rejoint le groupe. Léonide Massine, le chorégraphe choisi, se joint lui aussi sur le tard.
« Parade » met en scène la thématique de la fête foraine, plus particulièrement l’histoire d’une troupe de cirque itinérant dans laquelle trois artistes exécutent un aperçu de leur spectacle. Trois numéros ressortent : le prestidigitateur chinois, la petite fille américaine et les acrobates et leur cheval. « Parade » diffère des autres ballets de l’époque, le concept y est particulier : cette fois-ci, c’est la danse qui illustre et souligne les décors et les costumes. Le mouvement est au service de l’art plastique, l’un ne pouvant évoluer sans l’autre sur scène. Les répétitions du ballet se déroulent en Italie, à Rome puis Naples et Pompéi, où Picasso accompagne les ballets russes et en profite pour s’inspirer du climat et des références artistiques italiennes classiques. Ces inspirations jouent un rôle tout au long de sa carrière Le 18 mai 1917, la première de « Parade » a lieu, au théâtre du Châtelet, à Paris. Le spectacle est ensuite joué à Barcelone à l’automne suivant.
La suite des ballets russes
En avril 1919, Diaghilev refait appel à Picasso pour son prochain spectacle, qui est un ballet espagnol composé par Manuel de Falla : « Le tricorne ». Picasso s’occupe exclusivement des costumes et décors, contrairement à « Parade », où la mise en scène dialoguait plus avec son travail. Ici le style est moins cubiste que précédemment. Picasso s’inspire de celui de la Commedia dell’Arte, l’une des volontés de Diaghilev, qui se montre plus directif dans ses décisions et choix artistiques. Le spectacle est joué durant l’été 1919 à Londres, dans la salle de l’Alhambra. Jusqu’en 1924, Picasso participe activement à la création des spectacles de Diaghilev : « Pulcinella » (1920), « Cuadro Flamenco » (1921), « L’après-midi d’un faune » (1922) ou encore « Mercure » et « Le Train Bleu » (1924).
Olga Kokhlova (1891-1955)
Au printemps 1917, Picasso suit la troupe des Ballets russes en Italie pour les répétitions de Parade, où il rencontre la ballerine russe Olga Kokhlova. La jeune femme, de dix ans de moins que Pablo, est issue d’une famille traditionnelle militaire russe. Eprise de l’artiste, elle le suit en France, mais continue à entretenir, et ce pendant une dizaine d’années, une correspondance avec sa mère ainsi que ses frères et sœurs, qui vivent toujours en Russie.
Le 12 juillet 1918, le couple se marie à l’église russe de la rue Daru, à Paris. Les témoins de Picasso sont Max Jacob, Guillaume Apollinaire et Jean Cocteau. Suite à la cérémonie, et après un déjeuner à l’hôtel Meurice, tous les invités et les mariés exécutent quelques traditions russes. Cela tient beaucoup à cœur de la danseuse, qui semble avoir la nostalgie de son pays d’origine où elle ne reviendra jamais.
Olga reste un personnage mystérieux aux yeux du public. A la fois discrète, et probablement un peu déçue par sa nouvelle vie incertaine financièrement, elle est l’un des grands modèles iconographiques de Picasso, qui ne cesse de la représenter durant toute leur relation. Dans ses tableaux, on y voit une femme à l’air mélancolique, parfois pensif. Olga se réjouit de la naissance de leur fils le 4 février 1921 : Paulo, qu’elle protège et chérit, comme en témoignent les photographies et archives que possède le musée.
Le rapport de Picasso au spectacle vivant
Peut-on qualifier Picasso de « touche-à-tout » ? Il semble que l’une des forces principales de l’artiste réside dans son excellente capacité à s’approprier tout type d’art. Qu’il s’agisse d’une pièce de théâtre, d’un ballet ou même d’un film, chaque commande est l’occasion pour Picasso d’investir un nouvel univers. Bien au-delà de la simple collaboration professionnelle, il s’agit aussi d’amitiés fortes, qui se créent et qui alimentent l’ébullition artistique dans laquelle il évolue déjà depuis son arrivée à Paris. Enfin, ne peut-on pas voir une certaine théâtralisation dans les œuvres de Picasso ? Aussi bien dans « Guernica », que dans ses corridas, ou la représentation des mythes, la mise en scène est semblable à celle d’une pièce de théâtre dramatique, où les arrière-plans rappellent un décor de ballet ou un rideau de scène, où les personnages jouent un spectacle mêlant couleurs et mouvements libérés.