Qu’est-ce qu’elle fera la peinture quand je ne serai plus là ? Il faudra bien qu’elle me passe sur le corps ! Elle ne pourra pas passer à côté non ?
En 1965, Picasso subit une opération de l’estomac qui lui vaut une année de convalescence. Malgré son âge avancé, il aurait été logique de croire que l’artiste peinerait à reprendre le travail, mais sa production conséquente témoigne du contraire. Cette dernière période artistique s’achève à la mort du maître espagnol, le 8 avril 1973, à Mougins. Quel fut le dernier atelier de Picasso ? Quelles sont les œuvres produites à la fin de sa vie ?
Mougins/ Notre-Dame-de-Vie
En 1965, suite à son opération de l’estomac, à l’hôpital américain de Neuilly, Picasso et Jacqueline, son épouse, redescendent dans le sud de la France. Ils s’installent à Mougins, une petite ville de l’arrière-pays cannois, proche de Vallauris. En 1961, Picasso a fait l’acquisition d’un mas : Notre- Dame-de-Vie. Ce sera là un de ses derniers ateliers et sa dernière résidence. Il accroche aux murs du mas ses œuvres fétiches, comme les « Toits de Barcelone » ou encore le « Petit paysage de Horta ». Contrairement à ses précédents ateliers, Jacqueline et Picasso s’isolent, n’acceptant que quelques visites occasionnelles. L’artiste, dont beaucoup d’amis ont disparu, vit une période assez solitaire, centrée sur la création.
L’obsession érotique
La frénésie et la liberté artistiques caractérisent les dernières années de vie de Picasso. En effet, entre 1968 et 1972, il peint plus d’une centaine de toiles et réalises des centaines de gravures. A plus de 85 ans, et ce à la différence d’autres artistes, sa forme physique et psychique lui permettent de continuer à produire en quantité.
Il semble que Picasso se détache de la bienséance à laquelle la critique est attachée, et dévoile son obsession pour l’érotisme dans ses représentations. La figure du mousquetaire espagnol, jeune et revanchard, peut aussi traduire celle d’un homme obsédé par les femmes.
En 1966, l’exposition Hommage à Picasso est organisée par Jean Leymarie au Grand Palais et au Petit Palais, à Paris. Elle est inaugurée par André Malraux, ministre de la Culture depuis novembre 1959. L’exposition révèle notamment au grand public de nombreuses sculptures de l’artiste.
Picasso réalise par la suite la grande toile Le Couple, où il aborde la thématique des amoureux et de l’étreinte. Cette iconographie amoureuse et sexuelle revient à de nombreuses reprises dans les travaux de la fin de sa vie.
À la mort de Jaime Sabartès en 1968, ami et assistant de longue date, il honore sa mémoire, en faisant don de l’ensemble de la série des « Ménines » (cinquante-huit toiles) et d’un portrait de Sabartès (datant de la période bleue) au Museu Picasso de Barcelone. Cette donation est complétée en 1970, par des œuvres laissées chez sa famille en Espagne, datant de ses débuts, exécutées à La Corogne, puis à Barcelone, ainsi que celles réalisées en 1917 lors de son séjour espagnol avec les Ballets russes.
L’exposition au Palais des Papes
Une importante exposition sur Picasso a lieu en 1970 à Avignon, au Palais des Papes. Cette manifestation artistique, préparée par le couple Yvonne et Christian Zervos, éditeur qui a collaboré avec Picasso, réunit plus de cent soixante toiles et environ quarante-cinq dessins. L’exposition déclenche un véritable scandale. Les peintures récentes de Picasso envahissent les murs du palais, et choquent par la virulence de leurs couleurs, l’érotisme des sujets, les formats géants. Incomprises, ces œuvres contrastent avec l’architecture sévère du palais. Cette exposition permet en outre de découvrir les dernières œuvres sélectionnées par l’artiste lui-même.
En octobre 1971, à l’occasion du 90e anniversaire de Picasso, une sélection d’œuvres des collections publiques françaises est présentée dans la Grande Galerie du Louvre. Picasso peint sans discontinuer jusqu’à sa mort une série de grandes peintures qui reprennent des thèmes explorés sa vie durant. L’année 1972 marque la création d’une série d’autoportraits dessinés, où la tête s’affiche comme un masque, prenant parfois l’aspect d’une tête de mort aux yeux exorbités.
Des dessins de nus couchés clôturent la production de Picasso, mettant en scène de manière crue de vieilles odalisques provocantes incarnant la corruption des chairs et la destruction des apparences.
Les derniers instants de la vie de Picasso sont racontés par le critique d’art Pierre Cabanne : « De très bonne heure, Jacqueline appelle le docteur Pierre Bernal, le cardiologue de Picasso à Paris ; celui-ci a passé une très mauvaise nuit. […] Il expira à onze heures quarante-cinq ce dimanche 8 avril 1973, à quatre-vingt-onze ans et sept mois »1.
Pablo Picasso est enterré le 10 avril 1973, dans le parc du château de Vauvenargues.