C’est nous les peintres, les vrais héritiers, ceux qui continuent à peindre. Nous sommes les héritiers de Rembrandt, Vélasquez, Cézanne, Matisse. Un peintre a toujours un père et une mère, il ne sort pas du néant…
Référence artistique, Pablo Picasso ne cesse d’alimenter et d’influencer nombre d’artistes contemporains à travers la diversité de ses œuvres. Mais connaît-on vraiment les inspirations du maître ? Quels sont les artistes et les styles artistiques qui l’ont influencé ?
Les grands maitres espagnols
La formation académique de Pablo Picasso a d’abord débuté en tant qu’étudiant, avide d’apprendre de ses prédécesseurs espagnols.
Le jeune Pablo, fils d’un professeur de dessin, fait son entrée aux Beaux-Arts de Barcelone, en 1895, à l’âge de quatorze ans seulement. C’est à ce moment-là qu’il fait la rencontre de Carles Casagemas, qui deviendra l’un de ses plus proches amis, jusqu’au suicide tragique de ce dernier en 1901.
En 1897, Picasso réussit avec brio le concours d’admission de la Real Academia de San Fernando, à Madrid. Après avoir pratiqué l’exercice de la copie de tableaux d’El Greco, Goya, ou de Vélasquez au musée du Prado, il n’est pas surprenant de retrouver cette tradition ibérique dans ses travaux tout au long de sa carrière.
Les inspirations françaises
1900, Gare d’Orsay. Picasso et Casagemas sortent du train venant d’Espagne, aucun des deux ne parle français, mais ils sont là pour l’exposition universelle où Picasso présente l’un de ses tableaux. Curieux et simples touristes, ils en profitent pour visiter le musée du Louvre, où ils admirent les œuvres de Poussin, David ou Le Nain. Quelques années plus tard, Picasso s’installe à Paris, où il découvre Jean-Auguste Dominique Ingres, exposé au musée du Louvre, dans le cadre d‘une rétrospective pour le Salon d’Automne de 1905. Le jeune espagnol y contemple notamment le Bain turc. Ce tableau, aujourd’hui considéré comme l’une des sources majeures des Demoiselles d’Avignon, que Picasso réalise en 1907, témoigne de l’une des références majeures de l’artiste. On retrouve cette inspiration ingresque dans les dessins exécutés à la ligne claire des années 1917 à 1920.
En 1904, à 23 ans, Picasso est avide de références artistiques et de rencontres parisiennes. Il fréquente les bars, cabarets ou encore les ateliers où se regroupent les artistes. Tous y vivent simplement, souvent pauvrement, et, dans cette misère commune, il côtoie aisément différentes personnalités aussi bien du milieu de la peinture que d’autres domaines artistiques.
En plus de s’intéresser de près aux travaux de Toulouse-Lautrec, Gauguin ou Degas, Picasso fait la connaissance de nombreux confrères comme Matisse, le Douanier-Rousseau, Marie Laurencin, qui sont eux aussi de fortes sources d’inspiration. Paris lui offre donc la possibilité d’être au plus proche de l’art de son époque. En effet, du début du XXème siècle, et ce jusqu’à la seconde guerre mondiale, la capitale française rayonne à l’échelle mondiale aussi bien intellectuellement que culturellement. Plusieurs raisons expliquent cela, par exemple les expositions universelles qui centralisent à Paris des artistes internationaux. Durant l’exposition de 1900, à laquelle Picasso participe, l’affluence y est très forte: plus de 48 millions de visiteurs.
Inspirations venues d’ailleurs
Dans ses carnets, Picasso exécute les dessins préparatoires de ses œuvres. Le musée possède actuellement une collection de 60 carnets où l’on peut voir ces croquis et esquisses à l’origine de ses plus grands chefs-d’œuvre. Objets portatifs et faciles d’utilisation, Picasso les emmène partout avec lui et y représente ce qui l’inspire pendant ses voyages et déplacements.
Les voyages en Hollande (1904) et en Italie (1917), sont notables car ils témoignent de l’intérêt que porte Picasso aux références étrangères. Rembrandt, Raphaël, Titien, l’Antiquité romaine, ou plus communément l’art « classique », ne manquent pas de l’inspirer, et parfois, lui donnent l’idée de détourner les grands noms de l’histoire de l’art dans ses propres œuvres.
Influences des arts africains et océaniens
La force de Picasso réside dans cette pluralité de références artistiques, pluralité qui s’étend à ce qui était appelé « art primitif ». En 1906, lors d’une soirée organisée chez Gertrude Stein, marchande et collectionneuse d’objets d’art, Picasso découvre un masque issu de la culture africaine. Fasciné, il visite dans la foulée le musée ethnographique du Trocadéro (aujourd’hui détruit et remplacé par le Palais de Chaillot, à Paris). Façonner une statue à la manière d’un masque, simplifier et allonger les formes des silhouettes et des visages sont des caractéristiques que Picasso emprunte à l’art africain, qu’il qualifiait d’« art raisonnable ». Il n’est pas le seul à être fasciné par ce style artistique, peu reconnu, et d’autres peintres avant-gardistes s’en inspirent depuis quelques temps, comme Matisse et Derain. Picasso acquiert des œuvres de ces derniers, en plus des fameux masques provenant d’autres continents, et commence alors à se constituer une collection personnelle, qu’il alimente tout au long de sa vie.
Références antiques
Enfin, Picasso se passionne d’une Méditerranée antique. Déjà, lors de sa formation académique, en Espagne, il copiait des statues grecques, dans le but d’apprendre à dessiner. Quelques années après, pendant la période rose, les références aux kouroï (statues grecques antiques) émanent de certains de ses tableaux. Les étapes à Rome, puis à Naples en 1917, accompagné de Jean Cocteau et du chorégraphe Léonide Massine, pour les répétitions des ballets russes, ne peuvent qu’accentuer ce souffle archaïque. Il visite les sites de Pompéi et d’Herculanum, qui le sensibilise particulièrement à la beauté et à la force de la statuaire romaine, dont il réutilise souvent les codes picturaux.
A la fin des années 1920, Picasso introduit des figures mythologiques, comme celle du Minotaure, ou des figures plus populaires, comme celle du faune, qui deviennent des récurrences dans ses travaux. Il renouvelle ces représentations en personnifiant le personnage du peintre dans son atelier.