Le monde mythologique gréco-romain passionne Picasso, bon public, qui n’hésite pas à mettre en scène les nombreux thèmes s’y rapportant. On peut d’ailleurs y voir une mise en abyme de la figure de l’artiste à travers certains personnages, comme le Minotaure ou encore le faune.
Comment Picasso représente-t-il la mythologie ? Pourquoi ce sujet l’anime-t-il tant ?
La mythologie illustrée
« Les Métamorphoses » sont des poèmes en latin d'Ovide, réunissant en 15 livres, des histoires issues des mythologies grecques et romaines, rédigées en vers. Ovide y décrit en particulier les amours des dieux.
Picasso illustre cet ouvrage en 1930, à la suite d’une demande de l’éditeur suisse Albert Skira. Il réalise, en un mois, trente gravures au trait, imprimées par Louis Fort. La thématique des Métamorphoses est mise en parallèle avec la vie de Picasso, la figure de la femme étant sûrement inspirée de celle de sa compagne et muse de l’époque : Marie-Thérèse Walter. La particularité de ces estampes réside dans leur simplicité. En quelques traits, Picasso retrace un enchevêtrement de corps et de lignes qui évoquent un retour au dessin plus classique, que l’on peut déjà observer dès les années 1920.
Ce n’est d’ailleurs pas la seule fois où Picasso excelle dans le domaine de l’illustration. En effet, le musée possède une importante collection de livres illustrés, qui sont régulièrement présentés dans le cadre de diverses expositions.


Le Minotaure
Picasso explore pour la première fois la figure du Minotaure en 1928, de manière très épurée via un collage rehaussé au fusain, intitulé Minotaure courant.
Ce personnage l’interpelle et prend de l’ampleur à partir du début des années 1930, et sera publié notamment dans la Suite Vollard en 1939. Entre 1930 et 1937, Picasso réalise pour le collectionneur et marchand d’œuvres d’art, Ambroise Vollard, une suite de cent estampes gravées et signées. Elle regroupe plusieurs thématiques : celle de l’artiste, de son modèle et de son atelier, et celle du Minotaure. Le mythe du Minotaure remonte à la Grèce antique. Ce personnage à la tête de taureau et au corps d’homme, est né des amours de Pasiphaé (épouse du roi Minos) et d’un taureau blanc envoyé par le dieu Poséidon. Minos enferme ce fils illégitime dans un labyrinthe, où des jeunes gens lui sont offerts en pâture tous les ans.
Mise en abyme de la figure de l’artiste ou son double intime? Le Minotaure obsède Picasso. Personnage mythologique paradoxal, il se retrouve aussi bien dans cette image de jouissance des plaisirs multiples, que dans la force sombre et tragique liée au mythe dans certaines de ses représentations.
Parallèlement, le 1er juin 1933, il réalise la couverture de la revue surréaliste Minotaure, publiée par Tériade et Albert Skira.



Le faune/satyre
Le faune est une créature légendaire de la mythologie romaine (appelé « satyre » chez les grecs). Ces « homme-boucs », sont des figures joyeuses, accompagnant le cortège de Bacchus, et souvent associés à une sexualité débordante, aux plaisirs simples, au vin, à la danse et à l’amour. Picasso met en scène cette divinité champêtre à laquelle il est attribué des caractéristiques récurrentes : torse humain, des oreilles pointues, des pieds et des cornes de chèvre, et jouant de la flûte.



Certaines céramiques de Picasso sont aussi des références directes au faune :


Les faunes d'Antibes
Symbole de fécondité, d’espièglerie, et possédant un comportement libidineux, parfois lubrique, le faune s’insère dans la création artistique joyeuse et libérée d’après-guerre de Picasso. C’est à Antibes, où il travaille particulièrement sur cette représentation, qu’il rattache la créature mythologique à l’atmosphère méditerranéenne : « C’est curieux ; à Paris je n’ai jamais dessiné de faunes […] ; on dirait qu’ils ne vivent qu’ici ». Ainsi, en exploitant divers médiums, Picasso réinvente la représentation d’un même mythe et se l’approprie intimement un peu plus à chaque fois.
L’homme au mouton
L’homme au mouton est une sculpture réalisée par Picasso en mars 1943. Née à la suite de dessins préparatoires, elle est souvent comparée à la statue antique représentant Hermès Criophore. En effet, dieu protecteur des bergers, Hermès est habituellement montré portant un agneau sur les épaules. De même, dans les représentations du « bon berger » des premiers Chrétiens, on retrouve cette figure de l’homme et de l’animal. Pourtant, Picasso réfute cette comparaison : « Ce n’est pas du tout religieux, l’homme pourrait porter un porc au lieu d’un mouton ! (…) Dans L’homme au mouton, j’ai exprimé simplement un sentiment humain, un sentiment qui existe aujourd’hui comme il a toujours existé », précise-t-il. La sculpture de Picasso existe en trois exemplaires, dont l’une, en bronze, se trouvant dans les collections du musée.



