Wedding on the Seine: The French Collection Part I, #2, 1991
You could say, I ran comme un dératé, like a bat outta hell. There was only one thing I could think about. Get out of this church and get some air. Never mind what this crowd thinks about it. Run, girl, run. To the river fast as you can. And get rid of these damn flowers and this wedding veil and train. What is this, a funeral?
2. I’ve only been in Paris 6 months. I came to be une artiste, not a wife. I don’t even know the language. Pierre is American born with French parents, so he speaks l’anglais et le français parfaitement though he loves everything American, le plus noir possible. But what about his family and friends?
3. There is something in the way they look at me, as if to say: How did you get so far away from home, l’enfant? Will you become civilized, or will you remain just a beautiful savage dressed in a Paris frock? The French believe that they are the unique civilization. But what about the Bastille, the Nazi collaboration, the Haitian and Algerian revolutions?
4. They will kill with a glass of wine raised for a toast. Vive la France ! And if you will be just as dead as if you had your throat cut in some back alley in Harlem over 25 cents and a bottle of beer. Is it because I am a little black girl from Harlem that I don’t believe their charade?
5. Why did I marry this Frenchman? I hardly knew him. He’s more than twice my age, and white. We have very little in common. Il sera un bon mari. Il est très riche et généreux. They all said. “You will be very happy with him, my dear. His family has been in Paris for three generations. He is practically French.”
6. The wedding procession was hot on my heels. Pierre was holding up the rear puffing and blowing. Laissez-la partir ! Elle reviendra. Elle est mienne, maintenant. “Let her go. She’ll come back. She’s mine.” I ran even faster. “Pierre will make you a great husband,” someone yelled at me. Or will me make me over into his shadow?
7. Could I be une artiste and a wife? “Take a studio in Paris or in our chateau in the South,” Pierre said. But I don’t even know if I can paint. Now I may never find out. I ran even faster down the narrow streets to the Ile de la Cité past the Notre-Dame Cathedral and on to the Pont-Neuf, overlooking the Seine.
8. I could have run forever. The wedding procession was gaining on me. I had to make a statement. Something more than “I obey” and “I do.” Cause I don’t, I won’t! I hurled my bouquet into the river and it landed on the Bateaux Mouches and the crowd of tourists looked up and applauded me with Vive la France !
9. I made my statement. Would it be the last I’d make? Oh God, don’t let me sink like those flowers. I want to live a life of making art, not babies and dinner and beds. I looked back at the wedding procession. They stood frozen, waiting for my next move. Pierre was in the front row. An aging man, résolu.
10. What does Pierre know about me and the way I was raised in our little tiny apartment in Harlem? Does he understand what my mother and faither sacrificed to give me the little they gave me? Does he know that as meager as our life was it was beautiful, and that we loved each other as we were rich?
11. What do I know about Pierre’s family and his life in the Fifth Avenue town house he was born in in New York City? Who was the pretty black girl who changed his diapers and took care of him? Did she look like me? When he is holding me and telling me how much he loves me, is it memories of her that make his voice tremble as it does?
12. Will our children be French? Or French speaking coloreds? And why have I waited till it is too late to ask these questions? Is it because the answers are not as important as amour? For whatever reason, I know he loves me. But that’s no reason to run away.
13. Later I learned that Pierre had a serious heart condition with only a few years to live. No wonder I never had to put up with a mistress. He had assez d’amour seulement pour moi. We were together—death do we part. Not much time for art or anything else but being with Pierre, and two babies—one a year and then…
14. I was again on the Seine, without flowers, applause or a wedding procession in hot pursuit. I was remembering our wedding day. They were right all the time—Pierre was un bon mari. But would he leave me alone? Could I do my art? Within just three years Pierre died, leaving me alone with my art and my two babies.
On pourrait dire que j’ai couru comme un dératé*. Je ne pensais qu’à une chose : sortir de cette église et prendre l’air, sans me soucier de ce que les autres penseraient. Cours, ma fille, cours. Jusqu’au fleuve, aussi vite que tu peux. Et débarrasse-toi de ces fichues fleurs, et de ce voile et de cette traîne de mariée. C’est quoi ça ? Un enterrement ?
2. Je suis à Paris depuis six mois seulement. J’y suis venue pour être une artiste*, pas une épouse. Je ne parle même pas la langue. Pierre est né en Amérique de parents français : il parle donc l’anglais et le français parfaitement*, même s’il aime tout ce qui est américain, le plus noir que possible*. Mais que dire de sa famille et de ses amis ?
3. Il y a quelque chose dans la manière dont ils me regardent, comme s’ils disaient : Comment es-tu partie si loin de chez toi l’enfant* ? Vas-tu devenir civilisée ou resteras-tu une belle sauvage vêtue à la parisienne ? Les Français pensent être la seule et unique civilisation. Mais que dire de la Bastille, de la collaboration nazie, des révolutions haïtienne et algérienne ?
4. Ils tueront en levant un verre de vin et en portant un toast : Vive la France !* Et vous serez tout aussi mort que si on vous coupait la gorge dans une ruelle de Harlem pour 25 cents et une bouteille de bière. Est-ce parce que je suis une petite fille noire de Harlem que je ne crois pas à leur charade* ?
5. Pourquoi ai-je épousé ce Français ? Je le connais à peine. Il a plus de deux fois mon âge et il est blanc. Nous avons très peu de choses en commun. Tout le monde me disait : Ce sera un bon mari. Il est très riche et généreux*. « Tu seras très heureuse avec lui, ma chère. Sa famille est à Paris depuis trois générations. Il est presque français. »
6. La procession de mariage me suivait. Pierre fermait la marche, en soufflant et en haletant. Ne l’arrêter pas d’aller ! Elle reviendra. Elle est mienne maintenant*. J’ai encore pressé le pas. « Pierre sera un excellent mari », me lança quelqu’un. Mais est-ce qu’il me laissera seule ? Ou est-ce qu’il me fera entrer dans son ombre ?
7. Pourrai-je être une artiste* et une épouse ? « Prends un atelier à Paris, ou dans notre château* dans le Midi », disait Pierre, mais je ne sais même pas si je suis capable de peindre. Peut-être n’aurai-je jamais plus l’occasion de le savoir. J’ai couru encore plus vite dans les rues étroites jusqu’à l’île de la Cité, je suis passée devant Notre-Dame et j’ai atteint le Pont-Neuf, au-dessus de la Seine.
8. J’aurais pu continuer à courir. La procession du mariage me rattrapait. Je devais faire une déclaration, quelque chose de plus fort que « J’obéis » et « J’accepte ». Parce que je n’accepte pas, je ne veux pas. J’ai jeté mon bouquet dans la Seine, et il a atterri sur un bateau-mouche. La foule des touristes a regardé en l’air et m’a applaudie aux cris de Vive la France !*
9. J’ai fait ma déclaration. Est-ce que ce sera la dernière ? Mon Dieu, ne me laisse pas couler comme ces fleurs. Je veux vivre en faisant de l’art, pas des bébés, des dîners et des lits. Je me suis retournée vers la procession de mariage. Tout le monde était figé, dans l’attente de mon prochain mouvement. Pierre était devant maintenant. Un homme vieillissant, résolu*.
10. Qu’est-ce que Pierre sait de moi et de la manière dont j’ai grandi dans notre minuscule appartement de Harlem ? Est-ce qu’il comprend ce que ma mère et mon père ont sacrifié pour me donner le peu qu’ils m’ont donné ? Sait-il que notre vie, aussi misérable fût-elle, a été belle, et que nous nous aimions comme si nous avions été riches ?
11. Qu’est-ce que je connais de la famille de Pierre et de sa vie dans la maison de la Ve Avenue où il est né à New York ? Quelle jolie fille noire changeait ses couches et s’occupait de lui ? Est-ce qu’elle me ressemblait ? Quand il me serre dans ses bras et me dit combien il m’aime, est-ce le souvenir de cette fille qui fait trembler sa voix ?
12. Est-ce que nos enfants seront français ? Ou francophones et colorés ? Et pourquoi ai-je attendu si longtemps pour me poser ces questions ? Est-ce parce que les réponses ne sont pas aussi importantes que l’amour* ? Quoi qu’il en soit, je sais qu’il m’aime. Peut-être m’aime-t-il parce que je suis noire, mais ce n’est pas une raison pour fuir.
13. Plus tard, j’ai appris que Pierre avait de graves problèmes cardiaques et qu’il n’avait que quelques années à vivre. Pas étonnant que je n’aie jamais eu à supporter une maîtresse. Il avait assez d’amour seulement pour moi*. Nous sommes restés ensemble jusqu’à ce que la mort nous sépare. Guère de temps pour l’art ou pour quoi que ce soit d’autre : être avec Pierre, et deux bébés – un par an – et ensuite…
14. J’étais de nouveau au-dessus de la Seine, sans fleurs, sans applaudissements ni procession de mariage à mes trousses. Je me souvenais du jour de notre mariage. Ils avaient raison sur toute la ligne : Pierre était un bon mari*. Mais est-ce qu’il me laisserait seule ? Pourrais-je mener une vie d’artiste ? Moins de trois ans plus tard, Pierre est mort, me laissant seule avec mon art et deux bébés.
The Sunflowers Quilting Bee at Arles: The French Collection Part I, #4, 1991
The National Sunflowers Quilters Society of America are having quilting bees in sunflower fields around the world to spread the cause of freedom. Aunt Melissa has written to inform me of this and say: “Go with them to the sunflower fields in Arles. And please take good care of them in that foreign country, Willia Marie. These women are our freedom,” she wrote.
2. Today the women arrived in Arles. They are Madame Walker, Sojourner Truth, Ida Wells, Rosa Parks, Mary McLeod Bethune and Ella Baker, a fortress of African American women’s courage, with enough energy to transform a nation piece by piece.
3. Look what they’ve done in spite of their oppression: Madame Walker invented the hair straightening comb and became the first self-made American-born woman millionaire. She employed over 3000 people. Sojourner Truth spoke up brilliantly for women’s rights during slavery, and could neither read nor write. Ida Wells made an exposé of the horror of lynching in the South.
4. Fannie Lou Hamer braved police dogs, water hoses, brutal beating, and jail in order to register thousands of people to vote. Harriet Tubman brought over 300 slaves to freedom in 19 trips from the South on the Underground Railroad during slavery and never lost a passenger. Rosa Parks became the mother of the Civil Rights Movement when she sat down in the front of a segregated bus and refused to move to the back.
5. Mary McLeod Bethune founded Bethune Cookman College was special advisor to Presidents Harry Truman and Franklin Delano Roosevelt. Ella Baker organized thousands of people to improve the condition of poor housing, jobs and consumer education. Their trip to Arles was to complete The Sunflower Quilt, an international symbol of their dedication to change the world.
6. The Dutch painter Vincent van Gogh came to see the black women sewing in the sunflower fields. “Who is this strange looking man?” they asked. “He is un grande peintre,” I told them, “Though he is greatly troubled in his mind.” He held a vase of sunflowers, no doubt une nature morte, a still life, for one of his paintings.
7. “He’s the image of the man hit me in the head with a rock as a girl,” Harriet said. “Make him leave. He reminds me of slavers.” But he was not about to be moved. Like one of the sunflowers, he appeared to be growing out of the ground. Sojourner wept into the stiches of her quilting for the loss of her thirteen children mostly all sold into slavery.
8. One of Sojourner’s children, a girl, was sold to a Dutch slave in the West Indies who then took her to Holland. “Was that something this Dutch man might know something about? He should pay for all pain his people have given us. I am concerned about you, Willia Marie. Is this a natural setting for a black woman?” Sojourner asked.
9. “I came to France to seek opportunity,” I said. “It is not possible for me to be an artist in the States.” “We are all artists. Piecing is our art. We brought it straight from Africa,” they said. “That was what we did after a hard day’s work in the fields to keep our sanity and our beds warm and bring beauty into our lives. That was not being an artist. That was being alive.”
10. When the sun went down and it was time for us to leave, the tormented little man just settled inside himself and took on the look of the sunflowers in the field as if he were one of them. The women were finished piecing now. “We need to stop and smell the flowers sometimes,” they said. “Now we can do our real quilting, our real art: making this world piece up right.”
11. “I got to get back to that railroad,” Harriet said. “Ain’t all us free yet, no matter how many them laws they pass. Sojourner fighting for women’s rights. Fannie for voter registration. Ella and Rosa working on civil rights. Ida looking out for mens getting lynched. Mary Bethune getting our young-uns education, and Madame making money fixing hair and giving us jobs. Lord, we is sure busy. »
12. “I am so thankful to my Aunt Melissa for sending you wonderful women to me,” I said. “Art can never change anything the way you have. But it can make a picture so everyone can see and know our true history and culture, from the art. Someday I will make you women proud of me, too. Just wait, you’ll see.” “We see, Willia Marie,” they said. “We see.”
Dans le monde entier, les femmes de la National Sunflower Quilters Society of America créent des quilts représentant des champs de tournesol, pour répandre la cause de la liberté. Tante Melissa m’a écrit pour m’en informer et me demander d’aller avec elles dans les champs de tournesols en Arles. « Et, s’il te plaît, Willia Marie, veille bien sur elles dans ce pays étranger, m’écrit-elle. Ces femmes sont notre liberté. »
2. Aujourd’hui, ces femmes sont arrivées en Arles. Il y a Mme Walker, Sojourner Truth, Ida Wells, Fannie Lou Hamer, Harriet Tubman, Rosa Parks, Mary McLeod Bethune et Ella Baker, une forteresse de courage de femmes africaines-américaines, avec suffisamment d’énergie pour transformer progressivement un pays.
3. Voyez ce qu’elles ont fait, malgré la répression qu’elles subissent : Mme Walker a inventé le peigne qui défrise les cheveux et est devenue la première self-made woman millionnaire née en Amérique. Elle employait plus de trois mille personnes. Sojourner Truth a brillamment défendu les droits des femmes durant l’esclavage et elle ne savait ni lire ni écrire. Ida Wells a présenté un exposé* sur les horreurs du lynchage dans le Sud.
4. Fannie Lou Hamer a bravé les chiens de la police, les lances à eau, les passages à tabac et la prison pour permettre à des milliers de personnes de s’inscrire sur les listes électorales. Harriet Tubman a libéré trois cents esclaves du Sud en dix-neuf voyages sur l’Underground Railroad et n’a perdu aucun passager. Rosa Parks est devenue la mère du mouvement des droits civiques en s’asseyant à l’avant d’un bus ségrégué et en refusant de céder sa place.
5. Mary McLeod Bethune a fondé le Bethune Cookman College et a été conseillère spéciale des présidents Harry Truman et Franklin D. Roosevelt. Ella Baker a fédéré des milliers de personnes pour leur permettre d’améliorer leurs conditions de logement et de travail, et leur éducation de consommateurs. Si elles se retrouvent à Arles, c’est pour achever The Sunflowers Quilt, un symbole international de leur volonté de changer le monde.
6. Vincent Van Gogh, peintre néerlandais, est venu voir les femmes noires coudre dans les champs de tournesols. « Qui est cet homme d’aspect étrange ? ont-elles demandé. – C’est un grand peintre*, bien qu’il ait l’esprit très perturbé », leur ai-je répondu. Il tenait un vase de tournesols, vraisemblablement une nature morte* pour un de ses tableaux.
7. « Il me rappelle un homme qui m’a frappé à la tête avec une pierre quand j’étais jeune, dit Harriet. Qu’il parte. Il me rappelle les marchands d’esclaves. » Mais il n’était pas question qu’il parte. Comme un tournesol, il semblait être sorti du sol. Sojourner pleurait, en cousant son quilt, la perte de ses treize enfants, presque tous vendus comme esclaves.
8. Un des enfants de Sojourner, une fille, avait été vendu aux Antilles à un marchand néerlandais, qui l’avait emmené en Hollande. « Ce Hollandais saurait-il quelque chose à son sujet ? Il devrait payer pour toutes les souffrances que les siens nous ont fait endurer. Je m’inquiète pour toi, Willia Marie. Est-ce un cadre naturel pour une femme noire ? »
9. « Je suis venue en France pour tenter ma chance, répondis-je. Je ne peux pas vivre ma vie d’artiste aux États-Unis. – Nous sommes toutes artistes. L’assemblage est notre art. Nous l’avons apporté directement d’Afrique, me dirent-elles. C’est à quoi nous nous occupions après une dure journée de travail dans les champs, pour ne pas devenir folles, pour avoir chaud dans notre lit et pour mettre de la beauté dans nos vies. Ce n’est pas être artiste. C’est être vivant. »
10. Quand le soleil s’est couché et que le temps fut venu pour nous de partir, le petit homme s’est enfermé en lui-même et a regardé les tournesols dans le champ comme s’il en faisait partie. Les femmes ont fini de coudre. « Il faut nous arrêter et sentir les fleurs parfois, disaient-elles. Maintenant, nous pouvons véritablement pratiquer notre art, mener à son terme cette œuvre d’intérêt mondial. »
11. « Il faut que je retourne m’occuper de ce train clandestin, dit Harriet. Nous ne sommes pas encore toutes libres, malgré toutes les lois qui sont passées. Sojourner se bat pour les droits des femmes. Fannie pour que les électrices s’inscrivent sur les listes. Ella et Rosa défendent les droits civiques. Ida s’occupe des hommes qui se font lyncher. Mary Bethune s’occupe de l’éducation de nos petits, et Madame gagne de l’argent en s’occupant de nos coiffures et en nous donnant des emplois. Seigneur ! Il est certain que nous sommes occupées. »
12. Je suis tellement reconnaissante à ma tante Melissa de m’avoir envoyée rencontrer ces femmes merveilleuses. L’art ne peut pas changer la façon dont nous vivons, mais il peut laisser une image qui permet à tout le monde de voir et de connaître l’histoire et la culture d’un peuple. C’est pour nous une des façons de connaître notre véritable histoire et notre culture, à partir de l’art. Un jour viendra où vous aussi, vous serez fières de moi. Patience, vous verrez. « Nous verrons, Willia Marie, ont-elles dit. Nous verrons ! »
Picasso’s Studio: The French Collection Part I, #7, 1991
Dear Aunt Melissa,
I really think modeling is boring. Standing, sitting or laying down. Peu importe! Doesn’t matter. You may know what to do with your hands, your feet, the look on your face. But what do you do with your mind, with your misplaced or mistaken identité? What do you do with time? Et l’artiste, what do you feel about him?
2. I started hearing voices from the masks and paintings in Picasso’s studio but your voice, Aunt Melissa, was the clearest. “You was an artist’s model years before you was ever born, thousands of miles from here in Africa somewhere. Only you’all wasn’t called artist and model. It was natural that your beauty would be reproduced on walls and plates and sculptures made of your beautiful black face and body.”
3. “Europeans discovered your image as art at the time they discovered Africa’s potential for slavery and colonization. They dug up centuries of our civilizations, and then called us savages and made us slaves. First they take the body, then the soul. Or maybe it is the soul, then the body. The sequence doesn’t matter, when one goes the other usually follows close behind.”
4. You asked me once why I wanted to become an artist and I said I didn’t know. Well I know now. It is because it’s the only way I know of feeling free. My art is my freedom to say what I please. N’importe what color you are, you can do what you want avec ton art. They may not like it, or buy it, or even let you know it; but they can’t stop you from doing it.
5. Picasso’s first cubist painting was called barbaric, la mort, the death of art! But that didn’t stop him. In fact, it started le movement modern du art. The European artists took a look at us and changed the way they saw themselves. Aunt Melissa, you made me aware of that. “Go to Paris, Willia Marie,” you told me, “and soak up some that Africana they using in those cube paintings.”
6. It’s the African mask straight from African faces that I look at in Picasso’s studio and in his art. He has the power to deny what he doesn’t want to acknowledge. But art is the truth, not the artist. Doesn’t matter what he says about where it comes from. We see where, every time we look in the mirror.
7. The masks on Picasso’s walls told me, “Do not be disturbed by the power of the artist. He doesn’t know any more than you what will happen in the next 5 seconds—in your life or his. The power he has is available to you. But you must give up the power you have as a woman. No one can have it all. What do you want, Willia Marie? When you decide that, you can have it,” the masks said.
8. Les Demoiselles d’Avignon, with their tortured twisted faces Europeanized in Picasso’s brothel theme, made a contre-attaque on the wisdom of the African masks. “You go ahead, girl, and try this art thing,” they whispered to me in a women-of-the-world voice straight from the evening. “We don’t want HIM to hear us talking, but we just want to let you know you have to give up nothing.”
9. “And if they throw your art back at you, tef ais pas de bile. Don’t worry, ’cause you got something else you can sell. You was born with it, just in case. Every woman knows that. Some women will ask a high price and some men will pay it, all depends on the deal. Their wives don’t have to know anything about it. That’s been going on since Adam and Eve,” the ladies of the painting said.
10. I can hear you now, Aunt Melissa. “Willia Marie, modelling ain’t so-o boring you have to talk to masks and paintings. The only thing you have to do is create art of importance to YOU. Show us a new way to look at life.” “You betta listen to Aunt Melissa, girl,” the ladies from Avignon whispered. “The only one making any sense.”
Chère tante Melissa,
Je pense vraiment que poser pour un peintre est chose ennuyeuse. Debout, assise ou allongée, peu importe !* On sait quoi faire de ses mains, de ses pieds, de l’expression de son visage, mais quoi faire de son esprit, de son identité* mal placée ou mal comprise ? Qu’est-ce qu’on fait de son temps ? Et l’artiste*, qu’est-ce qu’on pense de LUI ?
2. J’ai commencé à entendre des voix provenant des masques et des tableaux dans l’atelier de Picasso, mais la voix la plus claire, c’était la tienne, tante Melissa. « Tu as été un modèle pour des artistes avant même d’être née, à des milliers de kilomètres d’ici, quelque part en Amérique. Sauf qu’on ne parlait pas d’artiste et de modèle. Il était naturel que ta beauté soit reproduite sur les murs, sur les assiettes, dans les sculptures à partir de la beauté noire de ton visage et de ton corps. »
3. « Les Européens ont découvert la valeur artistique de ton image en même temps qu’ils découvraient la possibilité de coloniser l’Afrique et de pratiquer l’esclavage. Ils ont déterré des siècles de nos civilisations avant de nous traiter de sauvages et de nous réduire en esclavage. Ils prennent d’abord le corps, puis l’âme. Ou peut-être est-ce l’âme puis le corps. La séquence n’est pas importante ; en règle générale, les deux se suivent de près. »
4. Tu m’as demandé un jour pourquoi je voulais devenir artiste et j’ai répondu que je ne savais pas. Eh bien, je sais maintenant. C’est parce que c’est la seule façon que je connaisse de me sentir libre. Mon art est ma liberté de dire ce qui me plaît. De n’importe* quelle couleur que vous soyez, vous pouvez faire ce que vous voulez avec votre art*. Ils n’aimeront peut-être pas, ou n’achèteront pas, ou ne vous exposeront pas, mais personne ne peut vous empêcher de faire ce que vous voulez.
5. Le premier tableau cubiste de Picasso a été qualifié de barbare ; c’était la mort* de l’art. Mais cela ne l’a pas arrêté. En fait, c’est ça qui a lancé le mouvement moderne de l’art*. Les artistes européens nous ont regardés et ont changé la façon dont eux-mêmes se voyaient. Tante Melissa, tu m’as fait prendre conscience de ça. « Va à Paris, Willia Marie, m’as-tu dit, et imprègne-toi de ces choses africaines qu’ils utilisent dans leurs tableaux cubistes. »
6. C’est le masque africain, directement issu de visages africains, que je regarde dans l’atelier de Picasso et dans ses œuvres. Picasso peut nier ce qu’il ne veut pas reconnaître, mais c’est l’art qui dit la vérité, pas l’artiste. Peu importe ce que dit ce dernier ; nous voyons d’où ça vient chaque fois que nous nous regardons dans la glace.
7. Sur les murs de Picasso, les masques me disaient : « Ne te laisse pas impressionner par le pouvoir de l’artiste. Il ne sait pas plus que toi ce qui va se passer dans les cinq prochaines secondes – dans ta vie comme dans la sienne. Le pouvoir qu’il a est à ta disposition, mais tu dois abandonner le pouvoir que tu as en tant que femme. Personne ne peut tout avoir. Que veux-tu, Willia Marie ? Quand tu décides ça, tu peux l’avoir. » Voilà ce que me disaient les masques.
8. Les Demoiselles d’Avignon de Picasso, avec leurs visages tordus et torturés, européanisés dans le contexte d’un bordel, constituent une contre-attaque* par rapport à la sagesse des masques africains. « Va de l’avant, jeune fille, et essaie cette chose artistique », me chuchotaient-elles avec une voix de femmes du monde tout droit sortie de soirée. « Nous ne voulons pas que LUI nous entende parler ; nous voulons simplement te dire de ne rien lâcher. »
9. Et si on te renvoie ton art au visage, ne te fais pas de bile*. Car tu as quelque chose d’autre que tu peux vendre. Tu es née avec, au cas où. Toute femme le sait. Certaines femmes demanderont un prix élevé et certains hommes paieront, tout dépend du deal. Leurs épouses n’ont pas besoin d’être au courant. « C’est ainsi que ça se passe depuis Adam et Ève », disaient les femmes de la peinture.
10. Je t’entends maintenant, tante Melissa. « Willia Marie, poser n’est pas si ennuyeux ! Il faut parler aux masques et aux tableaux. La seule chose que tu dois faire, c’est créer un art qui ait de l’importance pour TOI. Montre-nous une nouvelle façon de regarder la vie. » « Tu ferais bien d’écouter tante Melissa, jeune fille, me chuchotaient les demoiselles d’Avignon. Elle est la seule à dire des choses sensées. »
Le Café des artistes: The French Collection Part II, #11, 1994 1. Dear Aunt Melissa, Pierre left me as the owner of a Paris café, Le Café des Artistes, le rendezvous des arts et des lettres. It is located on the Boulevard des Saint Germain des Prés across from church in the heart of the artist’s quartier.
2. I am here every day now. We are a very popular café. Every Saturday nite we have le dancing le plus gai et le plus curieux de Paris. Today the tables are humming with the usual clientele of artists and writers nursing a café crème and making art history right before our eyes.
3. Pierre would be proud of my associations with the artists and writers. But still I have mixed feelings. Sometimes I feel as though I am one of them; at other times I feel like “The Spook That Sat By the Door.” I feel that now I have words to say that simply will not wait.
4. Today I will issue the colored woman’s manifesto of Art and Politics. What would Pierre have to say about that? His timid wife all of 20 years old and addressing the greatest artists and writers of the century. I doubt that I would be doing this if Pierre were alive. But he is not and I am.
5. Madames and monsieurs, I said, may I have your attention? This is a momentous time in the history of modern art, and I am excited to be in Paris, the center of cultural change and exchange. “It is a pleasure to have one so beautiful among us Madame Willia Marie. Bonne chère noire.”
6. Like the Symbolists, Dadaists, Surrealists, and Cubists, I have a proclamation to make for which I beg your indulgence. It is the Colored Woman’s Manifesto of Art and Politics. “Women should stay home and make children not art.” “Soulard, alcoolique. You should go home!” “Silence! Taisez-vous!”
7. I am an international colored woman. My African ancestry dates back to the beginnings of human origins, 9 million years ago in Ethiopia. The art and culture of Africa has been stolen by Western Europeans and my people have been colonized, enslaved, and forgotten.
8. What is very old has become new. And what was black has become white. “We wear the mask” but it has a new use as cubist art. “But you are influenced by the French Impressionists.” “No the German Expressionists.” Modern art is not yours or mine. It is ours.
9. There is as much of the African masks of my ancestors as there is of the Greek statuary of yours in the art of modern times. “No it is the Fauve that has influenced you Madame Willia Marie.” And who made the first art … a doll maybe for an unborn child? A woman of course.
10. “You are a primitive but very pretty.” Paris artists are shaping the culture of the world with their ideas. But modern art is much bigger than Western Europe or Paris. I am here, (in Paris). I am there (in Africa) too. That is why I am issuing a Colored Woman’s Manifesto of Art and Politics.
11. “You should learn French cooking, it will help you to blend your couleurs.” “No she is a natural with couleur. Very primitive.” I will call a Congress of African American Women artists to Paris to propose that two issues be discussed. What is the image of the Colored Woman in art? And what is our purpose as modern artists?
12. No important change of a modernist nature can go on without the colored woman. “Her palette is too harsh, she needs to develop a subtle range of greys.” Today I became a woman with ideas of my own. Ideas are my freedom. And freedom is why I became an artist.
13. The important thing for the colored woman to remember is we must speak, or our ideas and ourselves will remain unheard and unknown. The café is my académie, my gallery, my home. The artists and writers are my teachers, and my friends. But Africa is my art, my classical form and inspiration.
14. “You will come to my studio Madame Willia Marie. I will show you how to make a rich palette of couleurs and teach you to paint like a master.” “But next you will model for me my African maiden. Earth Mama! Queen of the Nile!” C’est la vie, Auntie. The price I pay for being an artist.
1.Chère tante Melissa, Pierre m’a laissé la propriété d’un café à Paris, le café des Artistes, le rendez-vous des arts et des lettres*. Il est situé sur le boulevard Saint-Germain-des-Prés, en face de l’église, en plein cœur du quartier des artistes.
2. J’y suis chaque jour désormais. C’est un café très fréquenté. Chaque samedi soir, nous avons le dancing le plus gai et le plus curieux de Paris*. Aujourd’hui, les tables bourdonnent avec la clientèle habituelle d’artistes et d’écrivains qui sirotent un café crème et qui écrivent l’histoire de l’art juste sous nos yeux.
3. Pierre serait fier de mon association avec les artistes et écrivains, mais j’ai des sentiments mitigés. Parfois, j’ai l’impression de faire partie du groupe ; à d’autres moments, je me sens comme The Spook Who Sat by the Door . J’ai le sentiment d’avoir maintenant des choses à dire qui ne peuvent tout simplement pas attendre.
4. Aujourd’hui, je vais publier le Manifeste artistique et politique de la femme de couleur. Qu’aurait pensé Pierre de tout ça ? De sa timide épouse âgée de vingt ans qui, maintenant, s’adresse aux plus grands artistes et écrivains du siècle ? Je ne pense pas que j’aurais fait cela si Pierre était encore vivant. Mais il ne l’est plus, et moi je suis vivante.
5. Mesdames et messieurs*, ai-je dit, puis-je avoir votre attention ? C’est un moment crucial dans l’histoire de l’art moderne et je suis tout excitée d’être à Paris, le centre du changement et des échanges culturels. « C’est un plaisir d’avoir parmi nous la belle madame Willia Marie. Bon chère Noire*. »
6. Comme les symbolistes, les dadaïstes, les surréalistes et les cubistes, j’ai une proclamation à faire pour laquelle je demande votre indulgence. Il s’agit du Manifeste artistique et politique de la femme de couleur. « Les femmes doivent rester à la maison et faire des enfants, pas de l’art. » « Soulard, alcoolique*. » « Rentrez chez vous ! » « Silence ! Taisez-vous* ! »
7. Je suis une femme de couleur internationale. Mes ancêtres africains remontent aux débuts de l’humanité, il y a 9 millions d’années, en Éthiopie. L’art et la culture de l’Afrique ont été volés par les Européens et les Occidentaux, mon peuple a été colonisé, asservi et oublié.
8. Ce qui est très vieux est devenu nouveau. Et ce qui était noir est devenu blanc. « Nous portons le masque », mais il trouve un usage nouveau dans l’art cubiste. « Mais vous êtes influencés par les impressionnistes français ». « Non ! Par les expressionnistes allemands. » L’art moderne n’est ni à vous, ni à moi ; il est à nous.
9. Il y a autant de masques africains venus de mes ancêtres que de statues grecques dans l’art des temps modernes. « Non, ce sont les Fauves qui vous ont influencés, madame Willia Marie. » Et qui a créé la première œuvre d’art… une poupée peut-être pour un enfant à venir ? Une femme, évidemment.
10. « Vous êtes primitive mais très jolie. » Les artistes parisiens façonnent la culture du monde avec leurs idées, mais l’art moderne est beaucoup plus vaste que l’Europe occidentale ou que Paris. Je suis ici (à Paris). Je suis aussi là-bas (en Afrique). C’est pourquoi je publie un Manifeste artistique et politique de la femme de couleur.
11. « Vous devriez apprendre la cuisine française. Cela vous aiderait à mélanger vos couleurs ». « Non ! Elle est très nature avec la couleur. Très primitive. » Je vais convoquer un congrès de femmes artistes africaines-américaines à Paris pour proposer un débat sur deux questions : Quelle est l’image de la femme de couleur dans l’art ? Et quelle est notre raison d’être en tant qu’artistes modernes ?
12. Il ne peut y avoir de changement important de nature moderniste sans la femme de couleur. « Sa palette est très dure ; il lui faut développer une subtile gamme de gris. » Aujourd’hui, je suis devenue une femme avec mes idées à moi. Mes idées sont ma liberté. Et la liberté est la raison pour laquelle je suis devenue artiste.
13. La chose importante pour la femme de couleur est de se souvenir qu’elle doit parler. Sinon, nos idées – et nous-mêmes – resteront inaudibles et inconnues. Le café est mon académie, ma galerie, ma maison. Les artistes et écrivains sont mes enseignants et mes amis. Mais l’Afrique est mon art, ma forme classique et mon inspiration.
14. « Vous viendrez dans mon atelier, madame Willia Marie. Je vous montrerai comment faire une riche palette de couleurs et vous apprendrai à peindre comme un maître. Mais avant cela, vous poserez pour moi, ma jeune Africaine ! Earth Mama ! Reine du Nil ! » C’est la vie*, ma tante. Le prix que je paie pour être une artiste.
Tar Beach #2, 1990
I will always remember when the stars fell down around me and lifted me up above George Washington Bridge 2. I could see our tiny roof top with Mommy and Daddy and Mr. & Mrs. Honey our next door neighbors, still playing cards as if nothing was going on, and BeBe, my baby brother, laying real still on the mattress, just like I told him to, his eyes like huge flood-lights tracking me through the sky.
3. Sleeping on Tar Beach was magical. Laying on the roof in the night with stars and skyscraper buildings all around me made me feel rich, like I owned all that I could see. The bridge was my most prized possession.
4.Daddy said the George Washington Bridge was the longest and most beautiful bridge in the world and that it opened in 1931 on the very day I was born. Daddy worked on the bridge hoisting cables. Since then, I’ve wanted that bridge to be mine.
5.Now I have claimed it. All I had to do was fly over it for it to be mine forever. I can wear it like a giant diamond necklace, or just fly over it and marvel at its sparkling beauty. I can fly, yes fly. Me, Cassie Louise Lightfoot, only eight years old and in the third grade and I can fly.
6. That means I am free to go wherever I want to for the rest of my life. Daddy took me to see the Union Building he is working on. He can walk on steel girders high up in the sky and not fall. They call him the cat.
7.But still he can’t join the Union because Granpa wasn’t a member. Well Daddy is going to own that building cause I’m gonna fly over it and give it to him. Then it won’t matter that he’s not in their ole Union or whether he’s Colored or a half breed Indian like they say.
8.He’II be rich and won’t have to stand on 24 story high girders and look down. He can look up at his building going up. And Mommy won’t cry all winter when Daddy goes to look for work and doesn’t come home. And Mommy can laugh and sleep late like Mrs Honey and we can have ice cream every night for dessert.
9.Next I’m going to fly over the ice cream factory just to make sure we do. Tonight we’re going up to Tar Beach. Mommy is roasting peanuts and frying chicken and Daddy will bring home a watermelon. Mr. and Mrs. Honey will bring the beer and their old green card table. And then the stars will fall around me and I will fly to the Union Building.
10. I’II take BeBe with me. He has threatened to tell Mommy and Daddy if I leave him behind. I have told him it’s very easy, anyone can fly. All you need is somewhere to go that you can’t get to any other way. The next thing you know, you’re flying among the stars.
Je me rappellerai toujours ce moment où j’ai senti les étoiles qui pleuvaient autour de moi et me hissaient bien au-dessus du pont George Washington.
2. De là-haut je voyais notre tout petit toit-terrasse, avec Maman et Papa et M. et Mme Honey, nos voisins d’à côté, qui continuaient leur partie de cartes comme si de rien n’était, et BeBe, mon petit frère, restait couché sans bouger sur le matelas comme je lui avais dit, et ses yeux comme deux énormes projecteurs me pistaient à travers le ciel.
3. Dormir à Tar Beach, notre plage de goudron, c’était magique. Être couchée sur ce toit-terrasse la nuit avec plein d’étoiles et les gratte-ciels autour, ça me donnait l’impression d’être riche, comme si tout ça, tout ce que je voyais était à moi. Mon bien le plus précieux, c’était le pont.
4. Papa dit que le pont George Washington est le plus long et le plus beau du monde, et qu’il a été inauguré en 1931, pile le jour de ma naissance. Papa, le pont George, il a travaillé dessus, il a hissé les câbles. Du coup, je me dis que ce pont, c’est le mien.
5. Maintenant, il m’appartient pour de bon. Il a suffi que je vole au-dessus pour qu’il soit à moi pour toujours. Des fois je le porte à mon cou comme un gigantesque collier de diamants, ou simplement je vole au-dessus de lui, émerveillée par toutes ses belles lumières scintillantes. Et je vole, oui, je vole. Moi, Cassie Louise Lightfoot, j’ai seulement 8 ans, je suis en CE2, et je vole.
6. Ça veut dire que je suis libre d’aller où ça me chante pour toute la vie. Papa m’a emmenée voir le chantier de construction où il travaille, pour le nouveau bâtiment du Syndicat. Papa, il sait marcher sur des poutres en acier tout là-haut dans le ciel sans jamais tomber. Tout le monde l’appelle Le Chat.
7. Mais il a quand même pas le droit de rejoindre le Syndicat, juste parce que Grand-père était pas membre. Papa, toute façon, ce bâtiment il sera à lui parce que moi je vais voler au-dessus et ensuite je pourrai lui donner. Après, c’est pas grave s’il est pas dans leur grand Syndicat ou s’il est un homme de couleur ou un métis indien, comme ils disent.
8. Après ça, il sera riche et il sera plus obligé de marcher sur des poutres hautes de vingt-quatre étages et baisser les yeux pour regarder en bas. Il pourra lever les yeux pour regarder grandir son bâtiment. Et Maman, elle pleurera pas tout l’hiver comme quand Papa s’en va chercher du travail et peut pas rentrer à la maison. Et Maman pourra rire et faire la grasse matinée comme Mme Honey, et nous pourrons manger de la crème glacée tous les soirs au dessert.
9. Et moi, je compte bien voler au-dessus de l’usine à crème glacée pour être sûre qu’on en ait tout le temps. Cette nuit, on monte dormir à Tar Beach. Maman prépare des cacahuètes grillées et du poulet frit, Papa ramènera une pastèque. M.et Mme Honey prendront la bière et leur vieille table de jeu à tapis vert. Et puis les étoiles tomberont en pluie autour de moi et je volerai jusqu’au bâtiment du Syndicat.
10. J’emmène BeBe avec moi. Il m’a menacé de tout dire à Maman et Papa si jamais je m’envole sans lui. Je lui ai dit c’est très facile, tout le monde est capable de voler. Tout ce qu’il faut, c’est penser à un endroit où tu peux vraiment pas aller autrement. Et d’un coup, tu te retrouves au milieu des étoiles.
The Bitter Nest #4 of 4: The Letter 1988
1-Though she never married, Celia had a child – which was not at all acceptable for unmarried women in those days. The dentist was heart-broken. “It ain’t decent to have a baby and no husband, Celia,” he told her. “What would folks say?” Cee Cee prepared a nursery on the second floor next to Celia’s room and decorated it with quilts and baby things made special in multicolors pieced together in her inimitable style.
But the dentist put his foot down. There would be no baby in the house. And Celia would have to go away as soon as she started to show, and stay away until the baby was born. He arranged for one of his patients to adopt the baby.
2-However, Mavis agreed, at Celia’s request, to take the baby and bring it up as her own with financial help from her family as long as she needed it. She didn’t care if people talked – they always talked about Mavis any way. And, after all, she felt responsible for Celia getting pregnant. She should have warned Celia that Victor was a married man with three children and that his mother had been dead for many years before Celia met him. He had been lying to Celia. Everything he told her was a lie. He only wanted the conquest. To get Dr. Celia all the way to Paris just to go to bed with him. He had a bet on it.
3-The Frenchman held the money. Victor won several hundred dollars from his crewmen on that bet. Victor was a merchant seaman. The Frenchman and Victor were chefs on the same ocean liner. But Mavis spared Celia the details of her Paris rendezvous. Better she should just believe, as she did, that he would one day return to her and they would sail for Paris and take up where they had left off. True love would prevail.
Celia’s baby was a boy. She named him after her father, Percel Trombone Lewis. Lewis was Mavis’ last name. Mavis brought young Percel up to believe that she was his natural mother and that his father was a sailor who died at sea.
4-Mavis and young Percel moved to Atlanta, Georgia. She had family there and, through Celia, she got a job as a doctor’s receptionist. Young Percel grew up to be quite a fine young man in Atlanta, graduated from Atlanta University and went on to Mehari to study medicine. Later, he changed to dentistry.
But as fate would have it, young Percel, while rummaging in the attic in Mavis’ old trunks, came across a neatly tied bundle of letters all written many years before to a man named Victor.
5-July 2, 1934.
Dear Victor,
Paris was wonderful. I cannot decide whether you are a scoundrel or an angel, but I love you. You are the first man I have ever loved. You do remind me of my father in many ways. You are tall and handsome and gentle and kind. In Paris they stared at us: two Negroes, kissing on the banks of the Seine river. Were you serious when you asked me to marry you that first night in Paris? I don’t mind waiting, my darling. But for how long? I want to tell my father about you. I love more each day. All the best to your mother. I hope she is well.
Your love,
Celia
6-August 18, 1934.
Dear Victor,
Those beautiful weeks of love we shared fill me with joy. I have not heard from you since you left me that night in Paris. I do hope your mother is well. Please give her my best regards for a speedy recovery. I have something very important to tell you. My love cannot wait much longer.
Your Love,
Celia
7-September 1, 1934.
Dear Victor, I am having your baby. If you still love me, as I know you do, please come to me. My father said you used me, but I know your sweet love was real. I have so much to offer you, much more than my love. I can help you with your law practice. Daddy just bought a house on 7th Avenue. It is perfect for us. If you still love me give your baby a name. Mavis assures me that you are receiving these letters. Why don’t you answer me, my love? My love burns inside of me. Please put out my fire.
Your Love,
Celia
8-December 18, 1934.
Dear Victor, I fear that you have strayed from my love. Where did I go wrong? I am so grief stricken to think you will never answer my letters; that I may never see you again and kiss your sweet lips as I did in Paris. But I still love you. I will always love you. Is there another in your heart? Victor, I am a doctor. I don’t believe that you would treat me like this. I am having your child. Surely that must mean something to you. Please darling, write to me. I love you so much.
Your Love,
Celia
9-March 22, 1935.
Dear Victor,
Our baby boy was born today. He looks just like you. I love him very much, but I cannot keep him. It would destroy my father’s reputation and bring disgrace on my family. Mavis is moving to Atlanta. She will bring up our baby as her own. I will never stop loving you or believing that you will one day be mine.
Your Love,
Celia
10-“Mavis! Mavis! Where are you?” screamed young Percel over the stair banister. “Get up here!” Mavis ran up the stairs to the attic. As soon as she entered the room, she knew what had happened. Why had she kept those letters all these years? What sense had it made to be a go-between to Celia and Victor? All she had to do was tell Celia about Victor years ago. But Celia would never give him up, no matter what. She would go to her grave loving a faded memory of two weeks of love in a Paris flat. Victor didn’t want to hear from Celia and if Mavis presented him with those letters, he wouldn’t want to hear from her either. And she needed Victor. After all, he was Percel’s father.
11-He should be allowed to see his son. But Celia was another matter. That was over. There was never anything any way. But Mavis wanted to hold on to both of them – Celia and Victor – and that was her way to do it. Now she had to face her son. What could she say to him? Young Percel spoke first. “Celia is my mother? And Victor – the one who comes here to see you when he’s in port, the merchant seaman – he’s my father? And the dentist, Celia’s father, is my grandfather? The old man who talked me into becoming a dentist?!” Mavis stood there with tears rolling down her cheeks, nodding “yes” to Percel’s questions.
12-“But Mavis, why did you do it this way – with lies and deceit? Wouldn’t it have been easier to just stay out of it?” he asked her. “No, I couldn’t. I needed all of them. You know I have my problems, and Celia was always so condescending me. She always controlled me. Funny, she never took anything but she could always get it from her father’s drug cabinet for me.” “And what about Victor? What did you really need him for?” “He was my boyfriend before Celia, but he was married and had three children. It was useless. He would never leave his wife. He came to see us because I told him you were his son.”
13-“Why does Celia think he’s a lawyer?” “He told her that. He went to law school but he could never get a job as a lawyer. He tried – you know how hard it is for us colored people. He had to make a living, so he told Celia what she wanted to hear. Everybody felt threatened by Celia and her family. Only Cee Cee was bearable in that house. She was the only one who was real and she’s nuts.” “What is it you’re on, Mavis?” “It’s morphine, a mild dose.” “Does Victor bring it to you?” “No, he only brings me cocaine when he goes to Turkey or South America.” “How much of this does Celia know?” “She doesn’t know anything about Victor. She still loves him. She believes he’ll come back to her one day.”
14-“And the dentist and Cee Cee? Do they know?” “Yes. The dentist went to see Victor when he found out Celia was pregnant and planning to have the baby, and threatened to kill him if he ever came near his daughter again. He also threatened his job on the ship. He has connections.” “So, what do we do now, Mavis? Who do I call ‘Mother’?” “You just leave everything as it is. They are all very proud of you – now that I have raised you and you are a dentist. You’re like them. They want you now but I don’t want you to leave me. I am your mother. I have no one but you. Remember that.
© 1988 by Faith Ringgold
Le Nid d’Amertume #4 de 4 : La Lettre 1988
1. Celia ne s’était jamais mariée, mais elle avait eu un enfant — ce qui était tout à fait inacceptable en ce temps-là pour une femme. Le dentiste fut anéanti. « Ça n’est pas convenable ça Celia, d’avoir un bébé et pas de mari, lui avait-il dit. Qu’est-ce que les gens vont dire ? » Cee Cee avait commencé d’installer une chambre de bébé voisine de celle de Celia à l’étage, et la décorait de courtepointes et de choses fabriquées spécialement pour les petits, toutes pleines de couleurs mises bout à bout comme elle seule savait le faire.
Mais le dentiste avait mis le holà. Pas question d’un bébé dans la maison. Celia devrait quitter la maison dès que son ventre commencerait à pointer, et elle ne reviendrait pas tant que le bébé ne serait pas né. Il allait s’arranger pour le faire adopter par l’une de ses patientes.
2. Mais à la demande de Celia, Mavis accepta de recueillir l’enfant et de l’élever comme s’il était le sien, moyennant une aide financière de la famille aussi longtemps qu’elle en aurait besoin. Elle ne se souciait pas qu’on médise — les gens avaient tout le temps quelque chose à dire à propos de Mavis, de toute façon. Et puis, elle se sentait responsable de cette grossesse. Elle aurait dû prévenir Celia, lui dire que Victor était un homme marié et père de trois enfants, et que sa mère était morte de nombreuses années avant que Celia ne le rencontre. Victor avait menti à Celia. Il ne lui avait raconté que des mensonges. Il ne s’intéressait qu’à la séduire. Faire venir Dr. Celia jusqu’à Paris, juste pour qu’elle couche avec lui. C’était un pari.
3. Le Français ramassait l’argent. Victor avait empoché plusieurs centaines de dollars avec ce pari. Victor travaillait dans la marine marchande. Le Français et Victor étaient chefs-cuistots sur le même paquebot. Mavis avait épargné à Celia les détails du rendez-vous à Paris. Il valait mieux qu’elle continue de croire que son marin reviendrait un jour la chercher pour la ramener à Paris et qu’ils reprendraient tout du début. Et que leur amour était plus fort que tout.
Celia accoucha d’un garçon. Mavis lui donna le nom de son père, Percel Trombone Lewis. Lewis était son nom de famille. Mavis éleva le jeune Percel en lui faisant croire qu’elle était sa mère biologique, et son père un marin disparu en mer.
4. Mavis et le petit Percel avaient déménagé à Atlanta, en Géorgie. Elle y avait de la famille et, grâce à Celia, elle y avait trouvé un emploi de réceptionniste chez un médecin. Le jeune Percel avait donc grandi à Atlanta, il y était devenu un beau jeune homme. Il y avait obtenu son premier diplôme universitaire, puis il était parti étudier la médecine à Mehari. Par la suite, il s’est spécialisé en dentisterie.
Mais le destin avait voulu que le jeune Percel, un jour qu’il fouillait dans les vieilles malles de Mavis au grenier, tombe sur une liasse de lettres soigneusement nouées, toutes adressées à un certain Victor, de nombreuses années auparavant.
5. Le 2 juillet 1934.
Cher Victor,
Paris, c’était merveilleux. Je ne saurais dire si tu es une canaille ou un ange, mais je t’aime. Tu es le premier homme que j’aie jamais aimé. À bien des égards, tu me rappelles mon père. Tu es grand et beau, doux et gentil. À Paris, les gens n’arrêtaient pas de nous dévisager : deux noirs qui s’embrassent sur les quais de Seine. Étais-tu sérieux quand tu m’as demandé de t’épouser cette première nuit-là, à Paris ? Je t’attendrai, mon amour. Mais combien de temps ? Je voudrais pouvoir parler de toi à mon père. Je t’aime chaque jour davantage. Tous mes respects à ta mère. J’espère qu’elle va bien.
Ta tendre Celia
6. Le 18 août 1934.
Cher Victor,
Ces merveilleuses semaines d’amour que nous avons partagées me remplissent encore de joie. Je n’ai pas eu de tes nouvelles depuis que nous nous sommes quittés cette nuit-là, à Paris. J’espère que ta mère va bien. Transmets-lui s’il te plaît mes salutations les meilleures, et mes souhaits de prompt rétablissement. J’ai une chose très importante à te dire. Mon amour pour toi ne peut attendre plus longtemps.
Ta tendre Celia
7. Le 1er septembre 1934.
Cher Victor, J’attends ton enfant. Si tu m’aimes encore, comme je le crois, alors viens me retrouver. Mon père dit que tu t’es servi de moi, mais moi je sais que ton amour était vrai. J’ai tant à t’offrir, et bien davantage que mon amour. Je peux t’aider à installer ton cabinet d’avocat. Papa vient d’acheter une maison sur la 7e Avenue. Ce serait parfait pour nous.
Si tu m’aimes encore, viens donner un nom à ton bébé. Mavis m’assure que tu reçois ces lettres. Pourquoi ne me réponds-tu pas, mon aimé ? Mon amour est un brasier à l’intérieur de moi. Je t’en supplie, viens éteindre mon feu.
Ta tendre Celia
8. Le 18 décembre 1934.
Cher Victor,
J’ai si peur que tu aies oublié notre amour. Qu’ai-je pu faire de mal ? Je suis dévastée à l’idée que tu ne répondras jamais à mes lettres, à l’idée que je ne pourrai plus jamais te revoir et embrasser tes lèvres douces, comme à Paris. Mais je t’aime encore. Je t’aimerai toujours. Y a-t-il une autre femme dans ton cœur ? Victor, je suis médecin. Je ne peux pas croire que tu me traites ainsi. Je porte ton enfant. Je ne peux pas croire que cela ne signifie rien pour toi. Je t’en prie, mon amour, écris-moi. Je t’aime tant.
Ta tendre Celia
9. Le 22 mars 1935.
Cher Victor,
Notre petit garçon est né aujourd’hui. Il te ressemble trait pour trait. Je l’aime immensément, mais je ne peux pas le garder. Cela détruirait la réputation de mon père et jetterait l’opprobre sur ma famille. Mavis va déménager à Atlanta. Elle y élèvera notre bébé comme s’il était le sien. Je ne cesserai jamais de t’aimer ni d’espérer qu’un jour tu me reviendras.
Ta tendre Celia
10. « Mavis ! Mavis ! Où es-tu ? » s’écria le jeune Percel en se penchant par-dessus la rampe d’escalier. « Viens voir ici ! » Mavis se précipita dans les escaliers et monta au grenier. Sitôt dans la pièce, elle comprit ce qui se passait. Pourquoi avait-elle gardé toutes ces lettres tout ce temps ? Quelle idée absurde, de jouer les intermédiaires entre Celia et Victor. Ce qu’il aurait fallu faire, c’était dire à Celia qui était Victor dès le départ. Mais Celia n’aurait jamais pu renoncer à lui. Elle emporterait dans sa tombe le souvenir délavé de ces deux semaines d’idylle amoureuse dans un appartement parisien. Victor ne voulait plus entendre parler de Celia, et si Mavis lui montrait ces lettres, il ne voudrait plus entendre parler de Mavis non plus. Or elle avait besoin de Victor. Il était tout de même le père de Percel.
11. Il fallait qu’il puisse voir son fils. Mais Celia, c’était un autre problème. D’ailleurs c’était fini. Il n'y avait jamais rien eu, de toute façon. C’est juste que Mavis voulait se les garder tous les deux pour elle — Celia et Victor — et c’était la seule façon qu’elle avait trouvé de le faire. Et maintenant elle devait répondre aux questions de son fils. Que lui dire ?
Le jeune Percel s’est lancé d’abord. « Celia, c’est elle ma mère ? Et Victor — celui qui vient toujours te rendre visite ici quand son bateau est au port, le marin marchand — c’est lui mon père ? Et le dentiste, le père de Celia, c’est mon grand-père ? Ce vieux qui m’a convaincu de devenir dentiste ?! » Mavis se tenait devant lui, les joues dégoulinantes de larmes, répondant « oui » de la tête à chacune des questions de Percel.
12. « Mavis, comment as-tu pu faire ça — tous ces mensonges ? cette dissimulation ? N’aurait-il pas été plus simple de ne pas t’en mêler ? » demanda Percel. « Non, je ne pouvais pas faire autrement. Je n’avais pas le choix. Tu sais bien que ce n’était pas facile pour moi, et Celia, elle a toujours été si condescendante. Toujours à me contrôler. C’est drôle, elle ne prenait jamais rien pour elle, mais pour moi elle allait chercher dans l’armoire à pharmacie de son père. » « Mais Victor ? Pourquoi avais-tu besoin de lui ? » « Victor était mon petit ami avant que Celia le rencontre, mais il était marié et il avait déjà trois enfants. C’était peine perdue. Il n’aurait jamais quitté sa femme. Il a commencé à venir nous voir quand je lui ai révélé que tu étais son fils. »
13. « Pourquoi Celia croit-elle qu’il est avocat ? » « C’est lui qui a raconté ça. Il a fait son droit mais n’a jamais pu trouver à se faire embaucher comme avocat. Il a bien essayé pourtant — mais tu sais combien c’est difficile pour nous autres, gens de couleur. Il fallait bien gagner sa vie, alors il a dit à Celia ce qu’elle voulait entendre. Tout le monde se sentait menacé par Celia et sa famille. La seule personne supportable dans cette maison, c’était Cee Cee. Elle était la seule à être tout à fait vraie dans cette famille, et elle est cinglée. » « Et là maintenant tu as pris quelque chose, Mavis ? Tu as pris quoi ? » « De la morphine, en dose légère. » « C’est Victor qui te l’apporte ? » « Non, Victor m’apporte juste de la cocaïne, quand il va en Turquie ou en Amérique du Sud. » « Celia est au courant ? » « Celia ne sait rien de Victor. Elle l’aime toujours. Elle croit qu’il viendra la retrouver un jour. »
14. « Et le dentiste ? Et Cee Cee ? Est-ce qu’ils savent ? » « Oui. Le dentiste a rencontré Victor quand il a appris que Celia était enceinte et qu’elle avait l’intention de garder le bébé. Il a menacé de le tuer si jamais il s’approchait encore de sa fille. Il a aussi menacé de lui faire perdre son travail sur le bateau. Il a des relations. » « Et qu’est-ce qu’on va faire maintenant, Mavis ? Qui dois-je appeler ‘Maman’ ? » « On ne change rien. Ils sont tous très fiers de toi — maintenant que je t’ai élevé comme il faut et que tu es dentiste. Tu es de leur monde. Ils veulent te récupérer, mais moi je ne veux pas que tu me quittes. Je suis ta mère. Je n’ai personne d’autre que toi. N’oublie pas ça.
© 1988 by Faith Ringgold
The Bitter Nest #3 of 4: Lovers In Paris 1987
Celia’s life was devoted to her father, whom she saw as an unfortunate figure, a giant of a man, imprisoned in the house of a mad woman - her mother. She wanted to free him from her. She tried to interest him in activities that would exclude Cee Cee, like lectures and musical concerts. But the doctor loved Cee Cee and would go nowhere without her. 2. She even tried to interest him in a romantic tryst with a beautiful friend of hers, an ex-chorus line dancer named Mavis Lewis. But the dentist used the introduction to ask Mavis to give Celia a party to introduce her to some eligible young men in the hopes that she might find one to marry and have a family of her own.
3. Celia met several young men who were charming and eligible for marriage but compared to her father, they were shallow and uninteresting. Except for Victor Bell, a young attorney from Washington, DC. Celia fell in love with Victor at a party. They danced and talked as if they had known each other for years. It was really love at first sight.
4. They walked home in the early morning holding hands and laughing and promising one day to spend the rest of their lives together. It was the most fun Celia had ever had. He told her that he lived with his invalid mother in Washington, DC, and that she was very demanding of his time. So, between her and his law practice, it might be several months before he could return to New York to see her.
5. He mentioned a summer vacation in Paris he was planning and invited her to come along. He had some artist friends who lived in Paris. She could stay at their flat and his friend would show them both around Paris. If she felt uncomfortable about going to Paris with a man, she could take Mavis along as a companion.
6. At the last minute, Victor’s plans changed. He would not go over on the ocean liner with Mavis and Celia. Instead, he would meet them in Paris a week or so later. He had urgent business to attend to in the States before he could leave for Paris. They should go on and he would be there as soon as he could.
7. He sent the address of his friend’s flat and directions on how to get there when they arrived in Paris. Celia and Mavis arrived at Victor’s friends’ flat and were greeted by a Frenchman. He let them in and told them Victor’s friends were on holiday in the south of France and that he would show them around until Victor got there.
8. While Celia unpacked, the Frenchman took Mavis on a tour of the Left Bank shops and cafes. Once alone in the apartment, Celia undressed standing in front of a large full-length mirror. While admiring her well-shaped body, she noticed the appearance of a man in the doorway of the adjoining room. It was Victor. He was wearing only a beret.
9. “Parlez-vous français, mademoiselle?” he said. At once shocked, frightened, embarrassed and delighted, Celia stood glued to the spot. “How did you get here?” she finally managed to stammer, “I thought you were in the States.” “But I am here with you, ” he said, taking her in his arms. “But I don’t understand, ” said Celia.
10. You will my love, ” Victor whispered in her ear as he slid her down on the large bed. “Did I ever tell you how much I love you? You are what I need to make my life complete. I will not let you get away from me this time. Celia, will you marry me?” Before she could respond, he was on top of her. This was the first time Celia had ever made love to a man.
11. It was wonderful. Now she knew what she felt for him the first time she met him at that party many months ago was real. She did love him, and he loved her, and he wanted to marry her. It was alright if they slept together. They were too much in love not to. Now everything was perfect, like all her life - except Cee Cee.
12. How could she think about Cee Cee at a time like this? But what about his mother? She was an invalid. She was dependent on him. Well, she would just have to get used to the idea that Victor had an invalid mother. After all, wouldn’t he have to get used to Cee Cee? Mavis and the Frenchman stayed out of their way for the next couple of weeks.
13. The Frenchman lived in the next flat, so Mavis stayed there with him. Things could not have been better if they had been planned. Suddenly, one morning, Victor was gone as he arrived, without warning. On his pillow was a note: Dear Celia my love, I couldn’t bear to tell you but Mother’s condition has taken a turn for the worse. I must go to her. I am so afraid that she may not be with me much longer.
14. I love you so much, I cannot wait to see you again in the States. These weeks with you in Paris have been the happiest days of my life. ’Til we meet again my beloved Celia. My wife. Lovingly yours, Victor. But Celia never saw Victor again.
Le Nid d’Amertume #3 de 4 : Les amants de Paris 1987
1-Celia se dévouait tout entière à son père, en qui elle voyait une figure d’infortune, un géant pris au piège dans la maison d’une femme démente — sa mère Cee Cee. Elle voulait qu’il se libère d’elle. Elle avait essayé de le convaincre de s’adonner à des activités sans Cee Cee, comme aller à des conférences ou des concerts. Mais le docteur aimait Cee Cee, il refusait de sortir sans elle.
2. Elle avait même tenté de l’entraîner dans un rendez-vous romantique avec l’une de ses amies les plus belles, une ancienne danseuse de Chorus Line nommée Mavis Lewis. Mais le dentiste avait profité de cette rencontre pour demander à Mavis d’organiser une fête afin de présenter Celia à quelques jeunes hommes célibataires, dans l’espoir qu’elle en trouve un à son goût, qu’elle se marie, et qu’elle fonde sa propre famille.
3. Celia avait ainsi rencontré plusieurs jeunes hommes charmants et disponibles mais, comparés à son père, ils étaient superficiels et sans intérêt. Tous sauf Victor Bell, un jeune avocat de Washington DC.
Celia était tombée amoureuse de Victor lors d’une fête. Ils avaient dansé et parlé toute la soirée comme des amis de longue date. Un vrai coup de foudre.
4. Ils étaient rentrés au petit matin, se tenant par la main et riant et se promettant de se retrouver un jour pour passer le reste de leur vie ensemble. Celia ne s’était encore jamais autant amusée. Victor lui avait dit qu’il vivait avec sa mère, invalide, à Washington DC, et que s’occuper d’elle accaparait beaucoup de son temps. Entre sa mère et le cabinet d’avocat, il pourrait s’écouler plusieurs mois avant qu’il ne puisse revenir la voir à New York.
5. Il avait évoqué la perspective de vacances d’été à Paris et avait invité Celia à l’y accompagner. Il avait des amis artistes à Paris. Elle pourrait loger dans leur appartement, et l’un de ses amis leur ferait visiter la ville. Si l’idée d’aller à Paris en compagnie d’un homme la mettait mal à l’aise, elle pourrait toujours emmener avec elle Mavis.
6. Au dernier moment, Victor avait changé de programme. Il ne prendrait pas le paquebot avec Mavis et Celia. Il les retrouverait à Paris la semaine suivante. Il avait des affaires urgentes à régler aux États-Unis avant de pouvoir embarquer pour Paris. Qu’elles poursuivent le voyage, et il les rejoindrait dès qu’il le pourrait.
7. Il leur fit parvenir l’adresse de ses amis et les indications pour s’y rendre une fois arrivées à Paris.
Dans l’appartement des amis de Victor, Celia et Mavis furent accueillies par un Français. Il les installa et leur annonça que les amis de Victor étaient en vacances dans le sud de la France. Il serait leur guide à Paris jusqu’à l’arrivée de Victor.
8. Pendant que Celia défaisait sa valise, le Français avait emmené Mavis faire le tour des boutiques et des cafés de la rive gauche. Seule dans l’appartement, Celia se déshabillait, debout devant un grand miroir en pied. Alors qu’elle contemplait son corps aux courbes gracieuses, elle vit apparaître en reflet un homme, dans l’embrasure de porte de la pièce contiguë. C’était Victor. Il portait un béret pour tout vêtement.
9. « Parlez-vous français, mademoiselle ? » lui lança-t-il. Tout à la fois estomaquée, effrayée, embarrassée et comblée, Celia resta d’abord clouée sur place. « Comment es-tu arrivé ici ? » finit-elle par balbutier, « Je croyais que tu étais aux États-Unis ? » « Eh non, je suis ici avec toi », dit-il en l’enlaçant. « Mais je ne comprends pas… », dit Celia.
10. « Tu vas bientôt comprendre, mon amour », lui susurra Victor à l’oreille, en la faisant glisser sur le grand lit. « T’ai-je dit à quel point je t’aime ? Tu es tout ce dont j’ai besoin pour que ma vie soit comblée. Je ne te laisserai pas t’échapper cette fois-ci. Celia, veux-tu m’épouser ? » Et avant qu’elle ait pu répondre, il était sur elle.
C’était la première fois que Celia faisait l’amour avec un homme.
11. C’était merveilleux. Elle savait maintenant que tout ce qu’elle avait ressenti en le rencontrant pour la première fois, à cette fête new-yorkaise plusieurs mois auparavant, était vrai. Elle l’aimait, il l’aimait, et il voulait l’épouser. Ce n’était pas si grave s’ils couchaient ensemble. Ils étaient trop amoureux pour s’en empêcher.
Maintenant tout était parfait dans sa vie — tout sauf Cee Cee.
12. Comment pouvait-elle avoir Cee Cee en tête dans un moment pareil ? Mais qu’en était-il de sa mère à lui ? Elle était invalide. Elle était dépendante de lui. Eh bien, il lui faudrait simplement s’habituer à l’idée que Victor avait une mère invalide. Après tout, n’aurait-il pas lui-même à s’habituer à Cee Cee ?
Mavis et le Français s’étaient faits discrets pour les laisser tranquilles tous les deux pendant les deux semaines suivantes.
13. Le Français vivait dans l’appartement voisin, et c’est avec lui que Mavis passa tout son séjour. Le hasard semblait avoir fait les choses bien mieux que si elles avaient été prévues.
Et un beau matin, Victor était parti comme il était arrivé, sans prévenir. Sur son oreiller, il y avait une note : « Celia mon amour,
Je n’ai pas pu me résoudre à t’en parler, maman est au plus mal. Je dois me rendre à son chevet. J’ai grand peur qu’il ne me reste plus beaucoup de temps à passer avec elle. »
14. « Je t’aime tant, j’ai hâte de te revoir aux États-Unis. Ces semaines à Paris avec toi ont été les plus beaux jours de ma vie. À bientôt, ma Celia adorée. Mon épouse. À toi tendrement, Victor. » Mais Celia n’avait plus jamais revu Victor.
Harriet Tubman in 1848
I set out with my two brothers on my first escape to freedom. We had only the North Star to guide us. My two brothers became frightened and turn back but I continued on and reached Philadelphia. There I found work as a house-hold servant and saved my money so I could return to help others. Escape.to freedom. I brought more than 300 slaves to freedom on the underground Rail road in nineteen trips and never lost a passenger. There was one of two things I had a right to Liberty or Death. If I could not have one I would have the other for no man should take me alive.
Harriet Tubman 1820-1913, Auburm, New-York
Harriet Tubman en 1848
Je suis partie avec deux de mes frères et j’ai fui une première fois vers la liberté. Nous n’avions que l’étoile polaire pour nous guider. Mes deux frères ont pris peur, ils ont rebroussé chemin, mais moi j’ai continué et j’ai gagné Philadelphie. J’y ai trouvé un emploi de domestique et j’ai pu économiser pour retourner aider les autres, les aider à fuir vers la liberté. J’ai conduit plus de 300 esclaves vers la liberté par les chemins de fer clandestins, dix-neuf voyages en tout, et je n’ai jamais perdu un seul de mes passagers. Voici les deux droits auxquels je pouvais aspirer, la Liberté ou la Mort. Si je ne pouvais pas avoir l’une, j’aurais l’autre, aucun homme ne me prendrait vivante.
Harriet Tubman 1820-1913 Auburn, New-York.
Martin Luther King, I have a dream speech, August 28, 1963
I have a dream that one day this nation will rise up and live out the true meaning of it’s creed. We hold these thruths to be self-evident: that all men are created equal.
I have a dream that one day on the red hills of Georgia the sons of former slaves and the sons of former slave owners will be able to sit down together at the table of brotherhood.
I have a dream that one day even the state of Mississippi, a state swettering with the heat of oppression will be transformed into an oasis of freedom and justice...
I have a dream that my four little children will not be judged by the color of their skin but by the content of their character...
I have a dream today...
Martin Luther King 1929-1968 Atlanta, Georgia.
Martin Luther King, I have a dream, Discours du 28 août 1963
Je rêve qu’un jour notre pays se lèvera et vivra pleinement la véritable réalité de son credo. Nous tenons pour évidentes par elles-mêmes les vérités suivantes, que tous les hommes sont créés égaux.
Je rêve qu’un jour, sur les collines rousses de Géorgie, les fils d’anciens esclaves et ceux d’anciens propriétaires d’esclaves pourront s’asseoir ensemble à la table de la fraternité.
Je rêve qu’un jour, même l’État du Mississippi, un État où brûlent les feux de l’injustice et de l’oppression, sera transformé en un oasis de liberté et de justice.
Je rêve que mes quatre petits-enfants vivront un jour dans une nation où ils ne seront pas jugés sur la couleur de leur peau, mais sur la valeur de leur caractère.
Je fais aujourd’hui un rêve…
Martin Luther King 1929-1968 Atlanta, Georgia
Ain’t I a woman? Sojourner Truth 1851 Akron Ohio
...That man over there says that women need to be helped into carriages, and lifted over ditches and to have the best place everywhere. Nobody ever helps me into carriages, or over mud-puddles, or gives me any best place. And ain’t I a woman? Look at me! Look at my arm! I have ploughed and planted, and gathered into barns, and no man could head me. Ain’t I a woman? I could work as much and eat as much as a man – when I could get it – and bear the lash as well! An ain’t I a woman? I have borne thirteen children and seen most all sold off to slavery and when I cried with my Mother’s grief, none but Jesus heard me! Ain’t I a woman? …
Then that man in black there, he says women can’t have as much rights as men, cause Christ wasn’t a woman! Where did your Christ come from? From God and a woman! Man had nothing to do with him.
Sojourner Truth 1797-1883 Ulster County NY
Sojourner Truth, Ne suis-je pas une femme ? 1851, Akron, Ohio
...Cet homme là-bas il dit que les femmes elles ont besoin qu’on les aide à monter en voiture, qu’on les porte pour passer les fossés ou pour avoir la meilleure place partout. Moi personne ne m’a jamais aidée à monter dans les voitures, ni à franchir les flaques de boue, ni à prendre la meilleure place. Et ne suis-je pas une femme ? Regardez-moi ! Regardez mes bras ! J’ai labouré et j’ai planté, j’ai récolté et j’ai engrangé, aucun homme n’a jamais fait mieux que moi. Ne suis-je pas une femme ? Je travaillais autant qu’un homme, je mangeais autant qu’un homme — quand c’était possible — et je supportais le fouet autant qu’un homme tout pareil ! Et ne suis-je pas une femme ? J’ai donné naissance à treize enfants et la plupart m’ont été arrachés pour être vendus en esclavage, et quand je pleurais tout le chagrin de ma mère, seul Jésus était là pour m’entendre ! Ne suis-je pas une femme ?...
Et maintenant cet homme en noir là-bas, il dit que les femmes ne peuvent pas avoir autant de droits que les hommes parce que le Christ n’était pas une femme ! Et d’où il vient votre Christ ? De Dieu et d’une femme ! L’homme n’a rien à voir avec lui.
Sojourner Truth 1797-1883 Ulster County, New York