Massacre en Corée

1951
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Massacre en corée
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Massacre en corée
Légende
Pablo Picasso, « Massacre en Corée », 1951, Huile sur contreplaqué, 110 x 210 cm, Musée national Picasso-Paris, MP203

La guerre de Corée a été l'un des premiers conflits localisés de la Guerre froide. Sur le tableau, deux groupes se font face. L'un, de femmes et d'enfants, mains jointes, visages embrassés au point de se confondre, est d'un gris déjà cadavérique. La nudité et les marques de la grossesse sont éternelles, de même que les replis potelés des enfants et leur manière de s'agripper à leurs mères. Les fusils des soldats tiennent de l'arquebuse, leurs casques du heaume du chevalier médiéval et, à l'extrême droite, l'un d'eux brandit une épée.

Cette peinture s'inscrit dans une filiation qui cite par sa composition le Tres de Mayo de Goya (1814, musée du Prado, Madrid) et L'Exécution de Maximilien de Manet (1868-69, Städtische Kunsthalle, Mannheim). Ces deux œuvres, comme Guernica (1937, Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofía, Madrid) ou Le Charnier (1945, MoMA, New York) relèvent de la peinture d'histoire contemporaine. Se démarquant du grand genre historique, évoquant batailles et histoires anciennes, Goya, Manet, Picasso, choisissent de représenter la guerre de leur temps. À l'heure où l'URSS et les États-Unis testent l'efficacité de leurs complexes militaro- industriels sur le sol coréen, le véritable danger est perceptible dans ces corps de cyborgs médiévo-robotiques: c'est l'alliance technocratique entre l'industrie et l'armement, la dérive techniciste, ce paradoxe de la santé florissante d'une industrie des Trente Glorieuses qui produit aussi des armes de mort. Picasso est ainsi loin de suivre l'esthétique réaliste-socialiste prônée par le parti communiste, dont il est membre depuis 1944, même si cette peinture reste bien procommuniste.